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On laisse nos ivresses a la casse

/ Orsay, le 28 février 2008 /

Je les regarde se jeter la faute. Ils font de jolis programmes. Ils se lancent dans des discours plus ou moins versatiles. J'écoute, plus ou moins aussi. Je m'intéresse, j'essaie. Ou je fais semblant. Peu importe.

En sortant d'Orsay, on flânait un peu le long de la Seine. Paris s'endormait sous le vent d’une fin de février. Et puis, je revoyais tous ces ponts, tous ces quais qui me faisaient penser à ce printemps dernier. A E. Pas loin, la rue de Solferino. Il m'avait entraîné dans ces délires de politiques socialistes.  Les autocollants sur les cuisses, les crêpes au citron après les résultats, une bise à Thomas H, et puis un peu de déception aussi. Mon père m'avait dit "tu as raison, c'est de ton âge, tu n'as pas eu mai 68!". Et pourtant je n'étais pas comme tous ces jeunes autour de moi qui s’étaient impliqués. Et qui espéraient encore. Malgré tout. Comme E. Ma main que je lui refusais et des baisers amers. On en rirait presque maintenant. On n'en avait pas pleuré. Le passé me donne le vertige. Je cherche au fond de tous ces souvenirs en apesanteur. La voiture garée de Xavier, je tourne la tête devant son appart quand je passe. Je baisse les yeux sur ce qu'il avait fallu cacher. Je fouille dans ma première année étudiante, les photos, les vidéos agitées, quelques joints, le théâtre tout le jour, les repas d'Estelle, nos heures au Conservatoire le samedi après-midi, les soirées avec Rémy, les genoux de Rémy, la voix de Rémy, ses sourires et nos confidences à demi-mot. Je lui envoie un mail et pourtant tout ça est terminé. Je réalise les deux ans derrière moi. Dans des banlieues nord de Paris. Je réalise tous les souvenirs qu'on ne partagera pas. Je réalise la vie prise de vitesse depuis un an et demi maintenant. Je l'ai rêvé ce garçon. Je l'ai rêvé et puis oublié après. Je remonte plus loin les couloirs de mon enfance aussi. Il y a ce mail de ma première prof d’expression corporelle, Aurore. J'avais 3 ans. Des images fixées dans ma mémoire. Ces petites filles en cercle à faire le papillon et flex-demi-pointe-pointe. Et à recommencer tous les mercredis matins. L'autre soir, c'était ce bar à la frontière de nos vies. Le jus de fraise et mes sourires de circonstance. Les voix commençaient un peu à sursauter entre Amel et moi. On est finalement différentes. Pas les mêmes idées, pas le même sourire, pas les mêmes vêtements ni les mêmes importances. Un peu flower power et moi ça m'emmerde. Hugues me semblait loin de ce qu'on a pu être. Ou peut-être était-ce moi ? Sûrement. Est-ce que ça me manque? Est-ce qu'il est important à préserver ce passé? Est-ce qu'il faudrait oublier ce qu'on a été sans chercher à se rappeler. Oublier que tout est éphémère. Comme l'hiver.

[Zazie, Power Flower]

Ecrit par lilou, le Samedi 8 Mars 2008, 20:02 dans la rubrique Au jour le jour.

Commentaires :

aubes
aubes
12-03-08 à 16:08

"[...] ce qu'on oublie n'existe pas. Ce qui s'efface de nos cerveaux s'efface aussi de nos corps, de notre sang, de notre vie, ne laisse aucune trace, ne creuse aucune emprunte, sinon celle d'un vide absolu, vertigineux et froid." (Olivier Adam, Falaises.)

Je n'en suis pas aussi convaincue que lui, mais je ne sais pas répondre à ce genre de question. Quoiqu'il en soit, il me semble que l'on ne choisit pas vraiment d'effacer ou d'ancrer sous la peau, il me semble que ces choses-là se font sans nous.

Peut-être qu'en ignorant que tout passe, on le retient un peu mieux, oui. (Mais n'oublions surtout pas que l'hiver est éphémère.)


 
passionnee-par-les-reves
passionnee-par-les-reves
13-03-08 à 18:40

Re:

Merci, pour ce bout de livre. Et je ne suis pas tellement d'accord non plus. Un geste que le corps a fait, un mouvement que l'on répète est imprimé. Comme toutes les sensations, tous ces rires qu'on a partagé, tout le reste... Le corps le retient je crois, mais l'esprit peut-être trop fatigué pour le comprendre.

Merci mademoiselle. J'aime beaucoup ta présence ici. Et dans ton chez toi.