on n'avait pas appris à marcher que déjà on tombait
on n'avait pas appris l'enfance
que déjà on grandissait
on n'avait pas appris le rire
que déjà on pleurait
on n'avait pas appris à croire
que déjà on doutait

 [Cela nous aurait suffi, Raphaël]

Quand j'étais petite, je croyais que grandir c'était pour les grands. Que ça ne pouvait pas me toucher cette putain de maladie. Et aujourd'hui je me rends compte que même si on ne peut pas contrôler le temps, on peut résister à l'esprit adulte si on sert fort les points. Dans le secrétaire, j'ai trouvé ces photos de mes parents et de mon frère accroupis auprès des fleurs. Ces photos sur lesquelles je n'étais pas [encore]. Mon père avait encore sa barbe. Comme sur les films de l'Italie. Il y avait mon oncle et ma tante encore amoureux et je me suis dit qu'il était heureux ce temps-là. Et puis, ces photos peuplés par nous toutes, les petites cousines blondes. Les repas italiens sur les tables, les baptêmes et les bonbons qu'on ramasse après.

Et hier, il me dit que je suis trop jeune. Que sept c'est trop de différence. Tu sais moi, à sept ans, je faisais déjà mes lacets... Peut-être que dans 17 jours, j'aurai encore 17 ans. Parce que même si je devrai avoir 5 ans de plus pour que tu me serres dans tes bras, pour que tu me caresses les cheveux, le soleil dans les reins, pour que nos mains se brisent à la fin. Parce que même si tout ça n'a rien avoir. Qu'est-ce que ça peut me faire à moi nos années et du temps qui nous sépare?