Commencer. Une bonne fois pour toute. Aujourd'hui, c'est le s-e-p-t a-o-û-t et Papa comptait ce midi au téléphone en année et en jour le temps qu'il lui reste à vendre des fleurs. Il en a terriblement marre, il s'invente un futur, une retraite on dit. Il s'imagine le Sud avec Maman tous les soirs et moi quand je rentre à la maison maintenant, j'ai l'impression que c'est comme quand les enfants sont grands, quand parfois ils ont eux-mêmes des enfants. La semaine prochaine, je déjeune chez mon frère pour fêter l'alliance abstraite qui le lie désormais à une jeune fille de trois ans de plus que moi à tout casser. Et je me demande comment tournera ma vie dans trois ans. Il présentera mes parents à ses parents, et je crois que j’y vais juste pour observer ce spectacle.

Oui commencer. Parce que je tourne autour. Je sais. Je suis incorrigible. C'est juste que les temps changent et j'essaie de m'adapter comme je peux. Si tu savais comment se passe mon été. C'est insensé. Tout ça. Chaque fin de semaine, je me promets que celle d'après, je dormirai plus, je commencerai ce mémoire et je. Ferai moins de vagues dans ma vie et je n'emmènerai pas tous mes sentiments dans ce bordel.

J'ai le corps en friche et mes larmes ne savent plus partir en lambeaux. Ma vie est en vrac mais les objectifs sont hauts en couleurs. Je dors assise la plupart des journées. Je vide la machine à café et je signe des papiers à mon nom. G. disait l’autre soir, au bord du lit, quand les autres buvaient à pleine joie dans le salon, que j'étais belle et que j’avais beaucoup de charisme et que je faisais rire toute la rédaction.

Mais il y a tant d'histoires et, une fois de plus, je n'ai pas le courage de vraiment commencer parce que tout est beaucoup trop long et prend beaucoup trop de place et pose beaucoup trop de questions. Je voudrais l'amour d'un jour de vacances mais ça aussi c'est impossible. Il y a tant d'histoires oui, et tant de vies coincées dans la gorge. Il y a tant de corps frôlés et de mains qui touchent ma peau toujours trop blanche. Oui il y a des trop à tire-larigot mais c'est ainsi. Et rien ne change vraiment parce que tout est constamment bouleversé. Il y a Théo, sa voix, sa copine, son infidélité et la déconstruction qu'on fait pendant nos rendez-vous. Il y a Gabriel et le courage que j'aimerais avoir pour ne plus faire le premier geste, dire le premier mot, renvoyer le premier message, le pousser à prendre conscience peut-être un peu. Oui Gabriel et son corps qu'il ne faudrait plus jamais retrouver. Ni même en parler de tout ça. Il y a Pablo, l'absence d'un an et demi, l'aveu de cette nuit de janvier - quand Clément avait appelé au beau milieu, la nuit chez lui cette semaine après l'alcool avec tous ceux qui font de mon été une jolie colonie. Pablo et son corps plus vieux, ses cheveux longs, et tout ce qui a ou n'a pas tant changé. Je n'en sais rien encore mais il n'a trouvé que son "t'es perdu" à me dire. Oui il y a ceux là avec qui j'écris toute la journée au 3e étage d'une rédaction parisienne. Et on se retrouve le soir, plein de sourires à se lancer encore et on se retrouve le matin, plein d'ivresse dans le sang et de tabagie dans les yeux. Il y a les pique-niques tous les midis dans le parc avec ces journalistes brillants. Il y a la mer le temps d'un week-end, Manon, les voisines. Le doute qui s'installe pour le Conservatoire, cette frayeur rien que d’y penser. Alors éviter éviter.