Mercredi 11 Juin 2008, 22H03.
Je le vois partout. Dans les vitrines, sur les plaques des rues, dans les cafés. Je passe dans Bastille et tout me rappelle ces deux mois entre ses sourires. Un traiteur chinois, le canal, un trottoir habité par un SDF, un yaourt 0% et le lait écrémé dans le rayon, mon pou qui bat entre mes doigts. Tout. Une parole, un mot, un geste. Une caresse, une manière de dire bisou, une envie de cigarette, une envie de faire l’amour, une envie de transpirer de sensations chaudes, la sueur qui coule dans le bas du dos et sur le front, un réveil matin tout doux. Peut-être qu’au fond c’est ça un chagrin d’amour. Un putain de chagrin d’amour qui déchire le ventre. Le matin, je pose ma main gauche sur la barre et je commence les pliés. J’ai déjà pensé à lui 294 secondes depuis mon réveil. Je commence le port de bras, et je m’applique. Parce j’ai envie de bien travailler pour lui. D'avoir un joli port de tête, un dos bien droit. Les dégagés, les ronds de jambe. Aux frappés, mon esprit commence à divaguer. Les grands développés se font regard au sol. Je remonte une jambe du pantalon jusqu'à la cuisse, la gauche. Les battements droit devant. Je pense à lui mais c’est parce qu’il me manque. Et plus rien ne rentre. Je suis ailleurs. Partout sauf là où je devrais être. On nous martele avec ces examens le dernier jour. Alors qu’on avait envie que d’une chose : enchaîner les variations et transpirer transpirer. On travaille des heures, on pousse les tables contre les murs dans la petite salle du bas, on les met dehors pour faire de la place ou on Danse dehors dans la petite cour de la résidence. Le dernier cours de barre au sol à 08h30 du mat', les yeux encore collés, le dernier cours de classique avec ce prof complètement dingue, le dernier cour de jazz avec cette prof au cheveux oranges. Et on applaudit plus longtemps à la fin de chaque cours, plus fort, on crie dans nos bouches pour dire merci.
Une vingtaine de minutes il y a sa voix. L’appeler alors que je n’avais pas réellement quelque chose à lui dire, à lui demander. Et je pourrais rester là des heures, à parler de la littérature, de ma deuxième année en poche. Pas de rattrapage mais pas de mention. Il me félicite. Et me quitte de loin. De près il n’est plus là non plus. Je pourrais rester là des heures. Lui parler de la nouvelle formation de notation pour la rentrée 2009. Lui expliquer que c’est comme ces partitions de musique coupées par mes appels. Que je voudrais écrire le Danse (maintenant). Ca me rassure les projets. Je voudrais un peu de lui. Juste ça. Alors peut-être que c’est ringard de l’écrire comme ça. Pas eu l’occasion de lui dire. Si simplement. Pourquoi je m’en fais ? Mais parce qu’il me manque bordel, parce que ça me manque de ne pas partager le riz cantonnais avec lui, le voir piquer dans mon assiette, ne pas lire quelques pages sur le lit, ne pas consumer la fin de la bougie rouge en se serrant les corps parce que l'ampoule est grillée, parce que j’en crève de ne pas entendre sa voix me sourire lorsqu’il se réveille après moi, j’en crève de ne pas lui avoir assez tenu la main, de ne pas avoir été assez cool, d’avoir cru que rien n'était grave avec lui, j’en crève de ne plus sentir son corps repu. Encore un de ses mots qu’il m’avait appris. Ses tonnes de mots qu’il m’apprenait. Ses schémas qu'il dessinait.
Je foire tout ce qui passe entre mes mains. Même lui je l’ai foiré. Il critiquait la déco, il arrivait souvent en retard, il nous racontait à ces copains parfois - nos nuits. J’ai l’impression d’avoir autant de souvenirs en deux mois avec lui qu’avec Antoine en neuf, ou six mois peu importe. Celui-là croit toujours que je le désire. Clément est intelligent. Il fuse sous la connaissance. Tandis que lui est complètement pragmatique. Pragmatiquement ennuyeux au fond. Il y a cette jeune fille assise à la fenêtre en face. Elle fume une cigarette. Clément aurait mis ses lunettes, il aurait regardé, il l’aurait fixé et sans doute ne m’aurait plus écouté. On aurait joué un dialogue de sourd quelques minutes. J’aurais crié, il serait venu me faire des bisous sur le visage et plutôt que de le repousser idiotement, je l’aurais pris dans mes bras.
Je n'arrive pas à jeter cette tige de fleurs qu’il m’avait tendu. Mauve. Elle est fanée maintenant. Je la laisse sur la table basse, à côté du pot pourri et de la carafe. Il me manque et c’est déjà trop.
Commentaires :
Re:
"Des détails que l'on garde faute de n'avoir su retenir le reste, étranges consolations". J'en parlais à Ciorale vendredi, même dans de simples commentaires tu écris de jolis textes. C'est assez dingue ça. Ou est-ce tout simplement du talent?
Cette fleur je n'arrive pas à le jeter non plus. Et au fond, est-ce que c'est mal de les garder comme ça près de nous nos tiges? Je ne crois pas. Ca ne fait pas de mal.
Et la page tournée sur Antoine. Juste, ça s'est senti. Enfin, je l'ai senti. :)
BzOo
Re:
Oui, merci pour vendredi. Combler cette fin de formation. le soir comme ça. Alors que les uns regardaient le foot, les autres déprimaient! Cette page était lourde et longue. Et ce n'est pas facile de s'avouer qu'on s'est trompé sur une personne tout ce temps. Vraiment pas.
Je n'ai réussi que cette deuxième année. Et encore les résultats ne sont pas exceptionnels...
aubes