Le Mercredi 23 janvier 2008.
Je sors du sous-terrain dans un début de soirée de Janvier. L’air n’est pas très froid et la nuit n’est pas encore totalement tombée. Il y a un homme, blond, les cheveux un peu ébouriffés. Je cherche le visage de mon inconnu parce que je crois qu’il m’est « familier ». * Un mois avant, nous étions là, tout près de la grande avenue. L’ouvreuse avait un accent de l’Est. J’étais rentrée la première dans le théâtre et je m’étais accordée au rouge velours des sièges. Derrière le rideau, il y avait quelques voix, une sonnerie de portable. Au balcon, cet homme s’était penché et j’avais cru voir Florian. Les acteurs magistraux. La pièce, du Zeller. Quand j’applaudie, je sens mes yeux se troubler. Et puis, on avait traversé ce labyrinthe pour atteindre les loges. Elle s’était changée, l’autre lui avait dit qu’il l’attendait dehors. Je restais là, béate, inerte. Impressionnée. Sara Forestier. Elle a mon âge, sans doute quelques mois de plus, de longs cheveux blonds, une peau blanche, une beauté naturelle et fracassante, une ferveur dans la voix. C’est d’ailleurs pour ça que Zeller l’avait choisi. Je finis par lui parler, je dois avoir les joues roses. Elle me glisse un numéro en guise de signature. Sourires. En sortant du théâtre, il y avait cet homme, un calepin à la main, qui me regardait avec insistance. « Vous êtes la comédienne ? ». Je ris, mais en réalité je suis touchée ! Et Aurélien Wiik. Une voix forte, un regard soutenu, un blouson de cuir brun, une cigarette entre les doigts. Ce doit-être un de ces connards pour lesquels on s’effondre en quelques secondes. Beau, vraiment, et talentueux. Luc nous a pris par le bras, et je me refaisais les scènes à haute voix sur les Champs. * Mon inconnu porte un long manteau, mais je n’ai pas le temps de bien regarder. Je sens une main glissée dans mes cheveux blonds. Pablo m’amène dans un resto très cosi. Le serveur me fait de jolis sourires et j’en fais à Pablo. Le vin blanc accompagne mes parenthèses aux commissures des lèvres. Mon corps vole un peu et je suis doucement en suspend. Je crois savoir ce que je dis, je ne séduis pas. Je n’en ai pas envie. Je ne prends pas un air conquis. Je ne le fixe pas. Je ne penche pas la tête sur le côté. Peut-être qu'il n'y a plus ce jeu. Peut-être qu'il est de moins en moins ce connard un peu égoïste. Peut-être que je n'ai plus envie qu'il le soit. Je ne marche pas très droit, je le bouscule un peu. Mais je ris. Doucement. Juste ce qu’il faut. Pour oublier que les partiels sont bien là. Qu’il faudrait simplement que je plonge pendant une semaine et demi, plonger dans ce qu’il y a de plus simple, et se laisser porter. Sans oublier de nager, dans le sens du courant.
La bibliothèque est bondée. Je m’endors sur des cours qui ne sont pas les miens. Je n’ai pas confiance en moi, pas confiance en ce que je peux faire, ni réussir. Je me demande un peu ce que je fous là et je ne me sens pas capable de faire de bons commentaires en deux heures.
*
Luc dit que je les préserve. Tous ces garçons qui m’ont plu. Je lui raconte ma soirée, gaiement. Et il me demande pourtant si je suis triste en ce moment. Je sais que je reproduis le même schéma qu’avec Antoine. Je cache tout. Mes sentiments. Ce matin, sept filles alignées. On prenait une inspiration et puis on mêlait nos corps en masse. Le poids de l’autre sur le ventre, sur la hanche, dans le cou. Se laisser porter dans le dos de l’autre et s’alléger. Aucune pudeur, que des corps souples mis à nus. Tout ce que je ne sais plus faire, sinon à la Danse. Me mettre à nu. Dire que finalement je tiens à toi. Je n’ai pas assez eu de toi pour que tu puisses me manquer. Mais je m’attache. Surtout aux gens abîmés. Alors oui. Je pense à toi. Je fantasme un peu sur ce qu’on aurait pu devenir. Et je me surprends à retracer des contours de nuit. Je crois avoir le contrôle. Mais au final ça me fait mal à l’intérieur. Je change de ligne d’horizon. L’autre jour, j’avais des larmes au creux des pupilles lorsque tu me parlais d’elles. Et tu ne pouvais pas voir. Je ne m’attache sans doute qu’aux quelques instants de souvenirs. Et je dois avoir tord. Ca changerait probablement quelques mots. Si j’osais. Et après. Je n'ai fais rien d'autre, rien de plus, que penser à toi. Maladroitement.
Pourquoi voulez-vous absolument savoir quelle est mon arme ? Je ne suis déjà pas très forte.
*
"Puis l'ascenceur est arrivé. Et je suis descendu tout en bas dans le noir, plein du frisson des choses qui s'enfuient". - Julien Parme, Florian Zeller -
Commentaires :
Re:
Ah Colombes... J'y étais il y a quelques semaines! Enfin, tu le féliciteras (mais ça doit-être déjà fait).
Peut-être que la danse est une imposture, sûrement même. Et je comrpends cette espèce de sentiment de ne pas savoir le percer lorsqu'il Danse. Comme s'ilé tait intouchable, non? De là à avoir peur de lui. il doit vraiment être un excellent Danseur!
Ces mots la, j'aurais aimé les écrire. Parce que je les comprends si bien, je les vis tellement. Je les aime, je les veux.
Ce passage est parfait. Parfait de vérité, d'universel et d'intime.
Il m'emeut. Me touche en plein coeur. Juste merci.
... et un sourire.
Re:
Merci beaucoup. je suis très touchée. Vraiment.
Ces mots sont un sentiment que tout le monde doit sûrement vivre un jour en effet. Merci de les aimer, de les vouloir.
Ton commentaire est à la hauteur de ce que tu prétends qu'ils soient, ces mots.
Bise ;)
nolita