Dans la cuisine de chez mes parents, les ampoules font un bruit sourd et insupportable. C'est ici, autour de cette table rectangulaire recouverte de petits carreaux rouge et blanc que nous avons passé Noël tous les trois. C'était triste, morose et éprouvant. Je n'en suis toujours pas remise. Les gens de l'hiver se font des cadeaux ; moi j'attends les soldes pour retrouver un peu de surface.
M. est parti pour son premier voyage. Jamais je n'aurais vraiment pensé partir là-bas, en vacances ou bien en exil. Aujourd'hui, quand je vois ce qui ne me retient plus dans cette cuisine dont les ampoules font un bruit sourd et insupportable, quand je constate que les conversations autour de la table rectangulaire recouverte de petits carreaux rouge et blanc ne me parlent plus, je me dis bêtement 'Plus rien ne me retient ici' ; je me dis que je pourrais faire ma troisième année auprès de lui s'il décide de rester là-bas. Là-bas.
Je sais bien que ce qu'il me dit pendant l'amour n'est pas toujours vrai. Je sais bien que quand il me dit Je t'aime alors que son sexe me couvre d'affection, ce n'est que pour le moment. Sur l'instant, je pense qu'il aime nous, je pense qu'il m'aime d'aimer le faire avec lui. Mais il ne veut pas déjà prévoir qu'à l'été, il pourrait me demander de le rejoindre. L'autre nuit, alors que le canapé n'était même pas déplié et que nous campions dans mon 22m², alors que ses aller-retours étaient des plus lents, doux, englobants, il m'a dit qu'il avait peur de se rendre compte qu'il ne pouvait pas se passer de moi. Je crois qu'il ne s'en souvient plus de ces mots, mais je crois aussi qu’il les pense vraiment. Inconsciemment. Puisque l’amour ensemble nous rend brûlants. D'une extrême lenteur, ses passages en moi n’avaient jamais été si. Je lui demandai alors de me glisser des mots doux. Il me dit que j’étais une vraie femme, que j’aimais être traitée en femme. C’est du reste ce qu’il fait, mon bel amant de la Chine du Nord.
Je capture son épiderme pour qu'il tende à m'appartenir le jour où il s'envolera de nouveau. La tête sur ses genoux, je faisais attention de ne pas pleurer trop fort. Il me demandait pourquoi je pleurais. Question absurde, réponse évidente. Je n'ai rien dit.
Je le mitraille de flash quand je le trouve beau, souvent très souvent donc.
Au matin, il m'a conduite au métro, a porté ma valise très lourde.
Hier matin, j'ai fini par accepter de terminer le dernier roman de F.Z. En même temps que la lecture, j’écrivais une lettre à M. Le personnage de Nicolas me fait penser à M., il s’est même retrouvé en lui. Je crois, me concernant, que j'ai la place d'Ana dans cette histoire à échéance-s. Quelque part, je suis rassurée. Peut-être qu’il n’existe pas de femme comme moi, capable d’accepter autant de non-construction, mais au moins, les héroïnes de roman, elles, le peuvent. J’ai toujours dit que ma vie ressemblait à un roman. Dans les draps du samedi après-midi, j’avais la sensation que nous étions devenus deux personnages de F.Z. M. & L. je crois que ça sonnerait bien, que nous sonnerions bien. En autre chose que des personnages de fiction aussi.
Il est mon bel Amour, mon bel amant de la Chine du Nord. Le surnom qu'il me donne est aussi doux que ses caresses du matin. Sa peau est faite pour la mienne sa peau est faite pour la mienne.
Commentaires :
eveildessens
Femme
"une vraie femme", quel beau et profond compliment... C'est une belle conclusion de fin d'année, de l'espérance pour la nouvelle qui va arriver...