Juillet 2008.
Il y a cette première semaine de juillet. Je viens de quitter Paris. Fin d'année scolaire à peine, le début du centre. Et puis préparer le spectacle de la Compagnie en même temps. Le bus d'enfant se gare sur la grande place en fin d'après-midi. Et moi je cours à la salle de Danse. En arrivant à la répète, ne pas se poser de question. Se mettre en culotte, enfiler un pantalon de Danse et y aller. L'échauffement est le marquage. Mon solo est difficile à passer ce soir. Pas d'appuis, peu d'interprétation, la respiration qui me manque et les jambes qui flageolent. Le corps à deux doigts de lâcher. Vraiment. Accepter que parfois, on Danse dans une forme latente.
Un jour je fais des cabanes dans les arbres avec eux. Ils m'écrivent des noms de codes au feutre sur les bras. Et le lendemain, cette petite qui m'insulte, moi et d'autres animateurs aussi. Cette petite qu'on n'arrive plus vraiment à gérer. On ne l'a pas revu. Mes yeux se ferment les uns après les autres. Je sens mes bras ballant le long de mon corps qui subissent le moindre mouvement. Ca faisait longtemps que je n'avais pas ressenti cette fatigue. Cette fatigue au point de ne plus me plaindre. De faire silence. L'esprit occupé pendant ses quatre semaines, l'esprit et les mains et la voix. Je divague juste un peu vers Clément. J'y pense presque moins. Tout retombera quand je changerai de centre. Tout retombera, tout reviendra. Je le sais. Ca se sent depuis juillet. Je me revois lire Rimbaud aux petites filles à la bibliothèque. Je leur ai déclamé Sensation, Marine, et Aube bien sûr. Elles récitaient Voyelles avec moi. Et j'aurais voulu trouver Roman - je ne le connais malheureusement plus par coeur. Je les entends encore applaudir à la fin de chaque poème, de la lettre à Théodore de Banville. J'y mets le ton parce que je veux qu'elles sentent la beauté des mots. On fait de grande sortie et on arrive déguisé le matin. A travers les vitres du bus, je regardais l'horizon. Il me semblait si proche, au bout de cette montée. Et si inaccessible en même temps.
Il y a un peu le sourire, parce que l'animation est revenue au moment où je m'apprête à changer de centre. Une direction, une équipe, des batailles d'eau à chaque goûter. Des bracelets scoubidou au poignet, des yeux qui se ferment sans autorisation, de la peinture qui ne part pas sur les ongles, et sur les vêtements bien sûr sur les vêtements. J'ai pris mes marques et il paraît que je suis toujours une bonne animatrice. J'empile les dessins d'enfant dans une pochette. Centre - Juillet 2008. Derrière leurs couleurs il y a : Pour Lucie, Eugénie 8 ans 1/2. Par exemple.
1er août - Juillet s'est terminé avant-hier. Hier en vrai. Les yeux dans le décor. Tous ses enfants qui me demandent où j'ai passé la matinée en me faisant des bisous mouillés sur les joues. Ce petit garçon qui passait son temps à écrire des histoires de Spyro dans son cahier de brouillon. Et son copain, le petit merdeux qui m'aimait beaucoup, je crois. Vouloir les serrer dans mes bras et ne pas les lâcher. Plus fort que d'habitude. Ses enfants que je n'avais pas aimé l'année dernière, et pourtant cette année qui. Quand j'étais petite, il était souvent écrit sur mes bulletins élément moteur de la classe. Elle m'a dit ça en gros je crois. Une vraie place dans l'équipe. Beaucoup de compétences, à la fois pour ta franchise quand tu as quelque chose à dire, à la fois pour ta créativité et tes propositions. Un côté décalé mais qui tombe toujours très juste. Et puis merci d'exister! Ne pas savoir comment ravaler mes larmes pour qu'elle comprenne les mercis que je lui faisais. Cette directrice m'a serré dans ces bras à la sortie du bus. J'ai cru comprendre qu'elle voulait de moi pour les prochaines vacances.
Commentaires :
Re:
De ce qu'ils nous donnent et nous reprennent en même temps oui. Les autres enfants ne sont pas comme ça. La faute n'est peut-être pas tant aux enfants... mais à.
C'est vraiment qu'entendre ce qu'elle a dit wow ça fait un drôle de plaisir modeste quand même.
Des carrières littéraires je ne pense pas, ou alors pas maintenant. Ce que j'ai compris, c'est qu'elles écoutaient parce que'elles savaient, parce qu'elles avaient vu que je l'aimais Rimbaud. Et puis en fait il tombait plutôt bien. On préparait le 888...
La photo, couleurs jetées sur le bitume gris, (et les mots répétés en blanc dessus,) et le texte - tout s'accorde. Parce que les enfants, les poésies, l'horizon si proche, les dessins, les compliments, quelque chose d'allégé de coloré et pourtant traînent encore il me semble, quelques virgules d'amertume grise.
Tu es fatiguée, dis?
Merci d'écrire.
Et les nouvelles robes oui. Sont toujours un coin de sourire. ;)
Re:
En ce moment, après coup, après publication, je me rends compte que pas mal de choses s'accordent en effet. Sans que je ne les force à. Par exemple pour le texte 'les dernières heures du jour avalées par l'horizon', je parle de la nuit, j'ai voulu trafiquer cette photo et y mettre un fond noir (même s'il était déjà nuit au départ), et pourtant rien n'était prémédité. C'est juste qu'à la fin, quand je vois je me dis que ça tombait bien. Et pour plusieurs articles comme ça.
Tout était décousu dans cet article. Des petits bouts de juillet assemblés pour résumer. ALors peut-être que les virgules d'amertume grise se font sentir dans cette sorte de désaccord.
Oui je suis fatiguée. Il y a le physique certes, et c'est ce qui se voit en premier d'ailleurs. MAis le reste ne suit plus bcp non plus à dire vrai. Une fatigue permanent avec laquelle il faut vivre, il faut bien.
Merci de lire.
Les nouvelles robes, vraiment celle-ci. :))
C'est en cliquant sur un lien, presque par hasard, que j'ai découvert ce blog. Faute de temps, je ne peux m'y attarder vraiment, mais j'aime, sans savoir dire pourquoi. Alors, c'est obligé, je reviendrai.
(Un lecteur de plus, un...)
Re:
Alors si c'est obligé, tu m'en vois ravie.
J'ai cette impression que ça se tasse un peu cette sphère, cette impression qu'on vient lire toujours les mêmes et que les novueaux mots sont de moins en moins là. Qu'on les cherche de moins en moins peut-être aussi.
Alors merci à ton hasard, merci d'avoir aimé sans vraiment dire pourquoi et merci d'avoir laisser quelque chose.
ecilora
Ce sont de ces mots que l'on n'entend pas souvent et pourtant, qu'est-ce qu'ils font du bien. J'ai souri sur tes lectures de Rimbaud. Peut-être as-tu éveillé quelques carrières littéraires ce jour-là. J'imagine la scène et je crois que c'est la meilleure façon de donner envie.
"Vouloir les serrer dans mes bras et ne pas les lâcher" Parce qu'ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils nous donnent et de ce qu'ils nous prennent au même instant.