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'Dans l'écorchure des nuits'

Tu ne répondras plus. J'ai bien réussi à me voiler la face depuis le 13 février. Oui la date m'a sauté aux yeux hier. J'pensais pas. J'pensais pas que je pourrais encore y être des semaines après. En fait je mens. Bien sûr que si puisque je ne peux pas faire autrement qu'être nostalgique. J'ai tout laissé tomber. Mon mémoire, puisque mon PC m'a lâché entre les mains dix jours avant le rendu. Ce sera pour septembre et deux mois de plus avec Rimbaud au fond, ça n’est pas plus mal. Je ne me sentirai jamais seule de l’été. J'ai laissé tomber les soirées. Depuis combien de temps n'ai-je pas vraiment fait la fête? Mon anniversaire qui a mal fini? L'anniversaire de Ken au début foireux ? En réalité, il y a cette fatigue. Les six ans de fatigue que je paie d'un coup. J'ai l'impression. J'ai pris quinze ans en six. Devant le miroir, j'me fais flipper. J'vois pas comment je pourrais séduire le nouveau aux yeux bleus. De toute façon, il ne doit pas être très prêt à tout ça, et puis à tout moi. Et je n’avais même pas pensé à jouer la séduction.


Je relisais des textes. Je parlais de toi. Jan. Je ne me souvenais plus de cette fois où tu m’avais fait l’amour sous ma toux et sur ma fièvre. Ca ne me manque pas le corps d’un autre. J’ai essayé avec le garçon aux yeux bleus, alors je ne sais pas si c’est à cause de sa pureté, ou bien si c’est moi qui ne peux pas. Toi, tu aimais ton corps, tu étais à l’aise avec les gens. Lui, il est tout l’inverse et je ne suis pas sûre que ça me convienne vraiment. Je t’ai appelé samedi dernier. Il y a presque une semaine tu vois. Et il y avait ta voix, là, sur le répondeur. Pourtant c’était tout juste avant 20h, tu devais être rentré de la bijouterie. Et j’ai réentendu ta voix, moi, en état d’urgence. « Bonjour vous êtes sur le portable de Jean-Charles »… Ta voix un peu grave dans ton corps fin et sec. Et sexe. De temps en temps, ton saphir m’étouffe. J’ai l’impression que la chaîne me prend la gorge, que ça serre. Pourtant, tous les jours, il est autour de mon cou, posé entre mes deux clavicules. Tu sais, j’aime bien mes clavicules. Et puis hier, en fin d’après-midi, je t’ai envoyé un sms. J’ai épuisé deux vies, il ne m’en reste plus qu’une seule. « J’avais envie de t’entendre l’autre jour, savoir simplement comment tu allais ? bise, lucie ». Ouai j’ai signé. Au cas où. Pfff. Tu es le seul de mes contacts téléphoniques avec une photo. Une belle photo de toi allongé, noir et blanc sur la peau de ton bras nu. Je l’aimais ta peau. Enfin non, ce que j’aimais, ce que j’aimais très fort, c’était ta peau contre la mienne. Je suis en urgence ouai.
Et là, la fenêtre ouverte, j’entends les rues de Bastille animées par la teneur des vendredis soirs de juin. Il ne me reste plus qu’une vie. Le mail à t’envoyer, te dire que ce n’est pas grave, que je suis capable de vivre sans toi. (Le mail écrit depuis des semaines, qui trainait sur un fichier Word de mon bureau. La même photo de toi en fond d’écran. Sur le bureau que je ne verrai plus allumé) Mais que ça n’a pas de sens, que ton silence n’a pas de sens. Une vie, après, le personnage s’essouffle. Et le jeu n’en devient plus un.  

Ecrit par lilou, le Vendredi 10 Juin 2011, 23:52 dans la rubrique Au jour le jour.

Commentaires :

MangakaDine
MangakaDine
18-06-11 à 20:22

Peut-être que si tu épuises ta dernière, alors tu pourras recommencer vraiment. Tu sais, comme un vieux jeu vidéo de plateforme où t'as trois coeurs et que t'es coincée sur le même tableau. Lorsque le jeu n'en est plus un, parfois, et c'est étrange, faut juste changer de jeu. Insérer une autre cartouche sur ta vieille console à cartouche genre SuperFamicom. (v'là les références, bref) Y'en a d'autres qui éteignent la télé et qui vont se balader au soleil. Mais on n'est jamais à l'abris de ne pas ressasser, de ne pas y penser, à chacun de nos pas, se remémorer les coups victorieux et là où on a foiré, où on aurait pu faire mieux. (oui, je suis toujours sur ma référence de geek) Tu sais, quand vraiment j'ai merdé à un jeu et que ça ne me fait plus rire, j'éteins tout, je me mets à autre chose, jusqu'à ce que j'oublie totalement que je suis coincée à ce putain de niveau et que je pourrais recommencer autant de fois que j'ai de vies ça ne changera rien à la fin. J'oublie. Et un an, deux, trois ans après, lorsque je ne me souviens même plus de comment on manipule l'objet, je recommence. Je ne me sens plus lasse de refaire les mêmes gestes et je me surprends à nouveau à aimer ce que je vois en face de moi. Souvent je bloque sur les boss de fin de jeu et c'est comme ça que je les termine, des années après, lorsque c'est devenu obsolète. C'est ma victoire à moi.
Si je te dis tout ça c'est que. Tu le reverras ton Jan. Là tu envisageras de mettre des points ou pas à ton histoire. D'ici là oublie-le. Gagne du temps sur les réminiscences. Parce que même si ça parait totalement improbable sur le moment présent, c'est toujours ce qui finit par arriver.
(et pardon si je suis un peu à côté de la plaque...)

Je suis sur Paris du 22 au 28 juin. Si ça te dit une petite entorse à ton agenda... :)

 
passionnee-par-les-reves
passionnee-par-les-reves
10-07-11 à 15:49

Re:

J'ai relu plusieurs fois sans jamais bien savoir comment répondre. Et là encore je doute.
C'est juste que je n'ai pas bien la force d'éteindre le jeu et d'aller me balader ailleurs -parce que en effet, je ressasse pendant la promenade- ou bien encore, changer complètement de jeu. J'ai essayé, pas plus tard que cette semaine encore, et je me suis mise à pleurer parce que non, vraiment, je n'y arrive pas. Ils sont saveurs. Sur le moment je ne le pense pas. Mais quand vient le moment de se lancer réellement dans la partie, ils ne me font rien.
Quant à mon histoire de vie, je pensais en effet aux jeux vidéos. Au dernier coeur qui s'envole et game over.

Et puis il y avait ça : " Tu le reverras ton Jan". Et ça, ça m'a sauté aux yeux parce que ça me semble évident. Je n'avais sans doute pas compris qu'il fallait attendre en effet. Laisser notre histoire se poser à plat, histoire de lui enlever un peu de relief. ^La métaphore est mal trouvée, puisque, pour moi, le relief subsite jusqu'au bout, jusqu'à la toute fin. Je ne peux pas oublier, je peux juste essayer de m'occuper la tête à autre chose. Voilà la seule chose dont je suis capable. Tu sais, cumuler, ou accupuler. Pour m'occuper le pus possible.
Qu'est ce qui finit toujours par arriver? Le revoir?

Comment s'est passé la fin du voyage? Tu as pu récupérer tes affaires?

 
passionnee-par-les-reves
passionnee-par-les-reves
10-07-11 à 15:51

Re:

Je voulais dire "Ils sont sans saveur". Et accumuler.


 
MangakaDine
MangakaDine
12-07-11 à 03:36

Re:

Sur le moment on est sur qu'on n'en sera pas capable mais ça finit toujours par arriver. De passer à autre chose. Fatalement. Tourner la page, malgré nous. Même si parfois on oublie pas totalement, que ça reste un peu. Ca devient flou, puis ça s'efface, et la vie continue, et les épreuves se succèdent, et le temps qui défile nous fait faire un bond entre ce que nous étions hier et ce que nous sommes aujourd'hui. Et ça ne trompe pas. Fatalement. On passera toujours à autre chose à un moment donné de notre existence.

Alors, autant anticiper, non?

Oui, j'ai pu récupérer mes affaires. La fin de la soirée était agréable, à prendre un verre sur cette place aux allures estivales, discuter tranquillement de nos départs respectifs. Et le lendemain. J'ai raté mon train. Ca m'a laissé 24 heures supplémentaires pour réfléchir et flâner dans la ville. Ecrire. J'ai aimé le rater, ce train.

Je t'embrasse et t'envoie du courage pour surmonter la transition. <3


 
passionnee-par-les-reves
passionnee-par-les-reves
24-07-11 à 22:11

Re:

Le problème, c'est que je n'oublie pas. Tu sais, vivre dans le passé. Et même quand je n'y suis plus, il y  a toujours des choses qui m'y ramènent. Fatalement, comme tu dis. C'est assez déstabilisant. Et puis on s'y habitue. Ca devient une normalité dans sa vie.
Bref, bonne fin d'été Dine. Amuse toi.
Bise