J’aimerais tracer un trait. Fin, droit, si simplement. Deux semaines qu'il m'arrive de m'empêcher d'avoir mal. Je travaille, j'enchaîne les devoirs, je construis des plans dialectiques en trois parties, thèse, antithèse, limites - oui j'ai trouvé que ce terme-là s'appropriait souvent aux troisièmes parties dont on ne sait jamais quoi en faire, en fait je n'aime oragniser tout comme ça, j'expose des sujets qui n’ont aucun lien entre eux, je Danse - peu mais je Danse, et puis j'envoie ce dossier pour le festival artistique, je travaille et je ne pense pas à lui. Je mets des barrières entre lui et mon ventre qui se ronge. Au moins il sait maintenant. Que rien n'est passé. Que le baiser que j'ai tenté de lui voler, sous l’ombre de la salle de concert et le son des Naz - qui m'avait tellement manqué bordel, que ce baiser je l'espèrais. Au moins il sait et il en fera ce qu'il voudra. On me dit de faire un voeu dans lequel il n'est pas inclus. Manon pleure le soir chez moi, il est venu déménagé ces affaires et son appart est vide de lui, de sens, de meuble. Elle me dit aussi de réfléchir aux inscriptions pour l'année prochaine - janvier. La neige recouvre tout sur la route pour Paris, on manque de déraper. Je ne l'aime toujours pas, la neige. Trop blanc, déshumanisé, trop pure. Tu vois, la clarté, je n'aime pas totalement, la pureté m’angoisse parfois. L'autre Fac me prend un temps fou. Et pourtant j'y suis encore. Même si je n'aime pas. Je n'arrive pas à renoncer aux choses. Mais il y a eux là-bas. Et ça se passe plutôt bien. On sort dans des soirées de Danses populaires, on se tient par les petits doigts, j'apprends la Mazurka - vite - et j'ai si mal au sourire et derrière la nuque tellement on rit, on boit du vin rouge dégueulasse, R. me parle du festival d'Avignon comme s’il était possible que j’y Danse l’été prochain. En partant, je l’emmène à Bastille. J’émiette le tabac entre mes doigts, puis je fais le guet devant l’entrée d’un magasin fermé - comme si je volais la Joconde je dis - pendant qu’il roule un joint . La rue de Lappe est rouge de monde. On rejoint Ju., toujours aussi jolie même bourrée. Le mec du bar nous garde après 2h et on fume en buvant la vodka offerte. Ma vie s'est accélérée d'un coup et je coupe les nuits le plus possible pour ne pas déborder dans la journée.
Le jeudi soir, à 19h, j'enfile un pantalon noir, souple, qui tombe sur mes fesses et j'oublie tout. Je ne pense plus qu'à ouvrir mes omoplates le plus possible, à pointer vers le bas, à ramener mon retiré très vite quand je tourne. Alors Clément n'existe plus que partiellement, la disserte sur Barbey à rendre ne me revient en tête qu'en fin de cours et je Danse sous le regard américain du prof. Je retrouve le plaisir de Danser, la Passion des mouvements, l'envie de transcender par le corps et tout reprend sens. La seule chose qui devient compliqué c'est d'avoir la force de lever la jambe à plus de 110°, parce que je peux le faire. Je sais. Je n'ai pas mal. J'aime sentir mes cheveux collés la nuque, j'aime tenir mon corps devant le miroir. Je prends un plaisir dingue, aussi dingue, sûrement plus, que ces matins où je me réveillais en regardant son corps encore endormi - ces parcelles de peau que je n'avais pas pu voir dans le noir de la nuit, pendant nos caresses. C’est vrai que j’aimais son corps. Ces matins, il m’arrivait même de lui ôter le drap pour le regarder se réveiller, nu. Je prends un plaisir monstre et ça se voit, je souris à la barre et je ne m'occupe de personne. Je regarde Manon quand elle a la force de travailler et elle m'apprend. C’est vrai qu’en ce moment, il y a Manon et Ju. . Je passe du temps avec elles : l'une est dans mon univers de Danse, et l'autre, elle est ce que je ne suis pas. Elle a confiance, elle n'est pas dans le contrôle, elle ne mesure pas l'argent et si fatale. Ce matin, c’est bon de se réveiller avec le dos serré et les pieds arrachés. C’est bon d’avoir retrouvé le public.
[Jean-Louis Aubert, Point final]
Commentaires :
Re:
Ce n'est guère précis mais bon.
Bise!
Mamzelle