C'était nos 17 ans... dans le creux du ventre.

On s’est attendu sur le bord des quais.  Et déjà  le cœur qui battait comme dans un ascenseur. Un bisou effleuré sur la joue, les pas incertain parce qu’un peu gênés. Et puis on a pris la direction du barrage, comme la dernière fois. Les yeux qui se cherchent, le regard de travers, l’eau juste à côté de nous et ça laisse un bruit doux aux creux des mains. Assis sur la hauteur de la butte, à parler de nos frères et sœurs, du cours de Danse qui est en train de se passer sans moi. Et parce que c’était le printemps, et parce que les oiseaux chantaient. Parce qu’on était allongé, les cheveux qui se mêlaient aux brins d’herbe un peu asséchés par le doux soleil qui nous éblouissait, un peu. Et il y a encore la trace de nos baskets dans l’herbe verte d’un mois de mai. J’avais mis mes converses de toutes les couleurs et pris avec moi mes chaussons de Danse, en porte bonheur. Ils étaient bien rangés dans mon sac militaire customisé avec des pin’s. Et même si on avait un cimetière pour horizon, nos visages souriaient de confusion. Une feuille morte tombe d’un arbre haut. Bercer à l’aurore de nos 17 ans, et on regardait ce grand arbre. Et même qu’on a surpris des fourmis faire du parachute, du haut de celui qui deviendra notre arbre. La mémoire qui se projette dans le flux des instants passés. J’avais envie de sauter à pieds joints tellement je me sentais bien. Sa présence suffisait pour me rassurer. Ce 19 mai. Un mercredi, parce que c’est le jour des enfants. Alors on a parlé comme ça, je t’ai beaucoup écouté. Et c’était la première fois que tu me racontais vraiment ta vie de grand frère. Celle qu’on ne voyait pas au lycée. Celle qui se cachait sous ce regard froid, sous cette arrogance. Et puis y’a eu cette conversation. Celle qui évoquait ma Danse. Que c’était ma Passion, ma raison d’être. Que rien ne la remplacerait. Et que même si dans le futur il se passait quelque chose entre toi & moi, alors aucun choix ne se poserait. Puisqu’il était déjà fait depuis mes 3 ans. La Danse. Et puis il a fallu que tu ré enjambe ton vélo, tu l’as fait rouler au pas. A notre allure. Et la fin du chemin gravillonner approchait vite. La fin de notre après-midi aussi. Il fallait que je me décide, et vite. Avant qu’on sorte du chemin du barrage, des herbes brûlées. Parce que c’est moi qui devais faire le premier pas. Alors je t’ai demandé doucement de descendre de ton vélo. Forcément tu as voulu savoir pourquoi. Mais tu l’as fait avant même d’avoir eu la réponse. Et on s’est embrassé. Une rêveuse passionnée, un pragmatique suffisant et un peu hautain. L’insolence de deux enfants qui se croient seuls au monde à cet instant.

Je n’oublierai jamais ce sentiment de côtoyer les frissons, celui d’avoir le droit de dire bonjour au bonheur en me levant le matin, réveillé par la sonnerie d’un portable qui sonnait décidément si souvent que j’en oubliais d’éteindre la lumière des étoiles brillantes dans mes yeux, que j’en oubliais de couper le fil qui nous reliaient à chaque seconde,  et même en oublier de poursuivre ses exercices incompréhensifs où les chiffres et les x se mélangeaient comme dans un mixeur…

Alors parce que j’ai le cœur qui bat de l’aile, des envies de paradis artificiels, un besoin de retrouver ces parenthèses sur mon visage, et sur le tien aussi. Et surtout parce que je sais que c’était unique, qu’on ne pourra revivre ça avec personne d’autres, personne d’autres qu’avec nos souvenirs. Peut-être.

Et pourtant, on n’était pas si collé à s’étouffer. On était juste bien, juste heureux. Juste qu’on avait 17 ans. Et la vie entre les bras.

On a longer les quais, j’ai senti ta main dans la mienne pour la première fois et même qu’on a ri jusqu’à l’infini, enfuis sous un ciel bleu.