[* 25 Juillet 2006, chez Hugues]
L'été prend des airs de point final. Et il n'y a que quelques soirées qui l'ont ponctué d'un peu de soleil et de sourires. Ces barbecues avec eux, tous ceux avec qui pendant un an on a fait bande à part. Parce que chacun doit vivre sa vie, autre part. Amel et Thomas dans des villes différentes, Hugues à la case départ, Marion qui se recrée une jolie vie aimable, Steph qui parle trop fort, Vi. qui réussi sa prépa parisienne, Antoine qui dort avec elle, moi qui. Et les verres se tassent dans un coin quand tout se termine, l'alcool qui reste est bu d'une traite, et les maillots de bain on les empile à côté des photos qu'on trafique.
Antoine et moi sommes arrivés les derniers, guitare à la main, sac à dos lourds de bouteille de Vodka et les saladiers en main. On parlait centre aéré et nuits blanches à venir. Ce soir-là il faisait beau et tout le monde était détendu. Je crois même qu'on aurait pu dire ambiance Terminale. Je sentais que mes yeux se fermaient devant eux. Chacun racontait son année passée, les nouvelles têtes qui sont arrivées dans chacune de nos vies. Beaucoup de choses ont changé, et quelque part tout reste bien en place quand on se retrouve. A côté de moi Antoine me laissait goûter à sa bière, et de l'autre côté S. se mêlait à un groupe déjà formé depuis le collège. Du haut de ses 18 ans, il avait un ton cynique dans sa voix très calme. Et ça me plaisait. Les ballons virevoltaient dans l'eau, les filles sur les épaules des garçons se faisaient tomber et parfois on se retrouvait la tête sous l'eau sans rien comprendre. J'ai levé les yeux vers les étoiles qui éclairaient ce ciel qui n'appartenait plus qu'à nous. Je me suis dit que nous étions des privilégiés ce soir-là. S. m'a resservi un verre que j'ai laissé vide sur le bord de la piscine.
Et puis l'air se rafraîchissait au bord de nos lèvres, les filles ont renfilé leurs petites culottes dans le jardin tout obscur sur leurs peaux encore un peu humides et les garçons ont sorti leur sweet. Des cartes à la main, la dernière bouteille de Passoa, un jeu un peu con qui nous fait boire notre jeunesse. Et on essaie même plus de retenir les verres des conducteurs. Parce qu'à ce moment, le temps on s'en fout, et on vit simplement sans se poser de question. Il a fallu rentrer, dire à bientôt, souhaiter bonne chance à S. pour la suite. Et c'est dommage. Dommage qu'il parte un an aux Etats-Unis sans avoir eu le temps de le connaître un peu plus. Antoine a garé sa voiture devant chez moi, même plus la force de parler cinq minutes de plus. Nos yeux tombaient de fatigue et nos têtes tournaient. Je lui ai demandé de faire sonner mon portable quand il serait rentré. Comme avant, avant que je m'endorme rassurée.
Et puis quelques jours après, tout a recommencé. Sans S., sans Antoine, sans Marion. Cette fois c'était les crêpes bretonnes, et du nutella partout autour des bouches. Paul se mêlait aussi à nous, comme le froid entre nos mains. La pluie ne manquait pas de tomber sur la radio qui brouillait. Alors les filles se sont jetées habillées dans l'eau, et le sourire au bord des lèvres, j'ai capturé ces instants en zoomant bien gros sur cette après-midi de juillet.