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Amoureux les uns des autres


                                                                                                                                       * [Répétition - scène, Cie, 19 décembre 2009]

Nuit du 24-25 décembre 09

Il pleut sur Noël et le temps ne me semble pas suspendu comme dans mes souvenirs d'enfant sage. De petite peste! dit la cousine en souriant. Sous mon carré blond et mes yeux clairs, il n'y a que mamie qui me donnait le bon Dieu sans confession parait-il. Je me suis réveillée ce matin en pensant à la conversation de la veille, avec ce garçon de mon CM2. Ce garçon blond aux yeux bleus. On formait un joli trio avec Thomas. Et il y avait M. aussi. On était tous amoureux les uns des autres. A table ce soir, le petit cousin racontait ses histoires de récréations et de comptine le doigt levé. Et je me disais qu'on avait le même âge, exactement. Et quand je l'entends du haut de mes environs vingt ans, je le vois petit et tellement enfant. Alors qu'en CM2, on était les grands de la cours de récré et je me sentais grande, plus mûre déja. Dans un autre monde aussi. J'avais tout pour moi. Des 20/20, des mercredis après midi à faire mes devoirs à la Danse, un amoureux, Thomas, qui m'écrivait des lettres d'amour - stylos bille de toutes les couleurs - pendant les vacances scolaires que je glissais sous mon oreiller, un ami blond aux yeux bleus avec qui m'asseoir sur la marche du bord de la porte. Aujourd'hui, cette image de lui à ma droite, Thomas à ma gauche est toujours là, ancrée dans ma mémoire comme une partie de bille gagnée haut la main ou un loup glacé dans la neige. Et nos sourires et la [petite] fille intrépide et espiègle que j'étais. Ils résonnent parfois dans ma vingtaine, comme un imprévu doux et mélodieux. Evanescent, lointain et perdu.  Ce matin, mon corps avait envie du petit blond aux yeux bleus qui a grandi d'un coup hier soir et de son accent du Sud. Je crois qu'on a un désir brûlant d'enfant inassouvi. Et ça aurait pu aller très loin cette histoire. Pace qu'on était éveillé tous les quatre, on était parmi les plus doués, les plus équilibrés aussi je crois. On s'appartenait tous. On ne s'aimait pas non, on s'appartenait comme ça n'arrivera plus jamais avec d'autres. Ce n'était pas plus facile. Ce n'était pas si pur que ça. On était déjà ailleurs. Ailleurs que dans l'aube des 10 ans, simple et délicate. Je crois qu'on se poussait chacun dans cette rare complexité de l'enfance. On s'emmenait par la main, on se tirait en douceur enfantine et brusquante, et on aurait voulu s'entrainer par la bouche. Très loin oui, on aurait pu devenir des déviants dès 10 ans. J'avais, à coup sûr, un goût échevelé pour les relations complexes. Je me catharsissais sans doute déjà aux intimités multiples et j'aimais l'odeur du scandal.
Ce soir, la messe de minuit était à 18h et je suis arrivée en retard. J'avais pris un chocolat chaud juste avant avec Mat. Dans ce café où l'on commandait des diabolos à 1€70 en 3ème, entre deux parties de billard. Ils ne font plus de diabolos violette. Il y a un an, il revenait das ma vie, chahutant mes attitudes de fille insolente qui ne tombe jamais amoureuse des garçons qui lui veulent du bien et lui promessent de la tendresse. Il revenait et ça faisait quatre ans, sans doute cinq, qu'on ne s'était pas revu. Il y avait sa copine au visage de l'enfance et dans leurs bouches, cette facheuse tendance à parler pour deux à chaque fois. Je me disais que je ne l'ai enviais pas. Ca respirait le fabriquer. Le modeste. Ca m'a bousculé, le revoir et retracer nos stages de piano et cette après-midi de collège à jouer au badminton dans mon jardin. Cette après-midi de 5ème qui aurait pu être celle de mon premier baiser. Si je l'avais voulu. C'était si simple ce moment. D'une simplicité aimante et dévorante. Aujourd'hui je lie les paradoxes, je fabrique des antithèses à longueur de temps, à largeur de souffle.
Ce soir, alors que la messe avait moins l'allure de Noël qu'à l'habitude, je pensais à Alix. Il y avait beaucoup d'amour dans l'air froid des pierres, beaucoup de paix et d'appartenance. De la simplicité, de l'accessibilité. Et je croyais en Alix. J'imaginais ces baisers. Je suis en train de pister des sentiments bruts. Il faut se positionner maintenant, placer ses pions. Je le sais tout ça. Mais je suis ankylosée par cette main sur mon bras. Je pensais aussi à Hugues. Et à ce qu'il se passera ou pas si. A table ce soir, aucun vin ne m'a vraiment plus. A table ce soir, par moment je n'étais plus là. A table ce soir, j'aurais voulu qu'il soit à côté.

Ecrit par lilou, le Samedi 26 Décembre 2009, 12:32 dans la rubrique Au jour le jour.

Commentaires :

ninoutita
ninoutita
29-12-09 à 14:18

J'aime bien la messe de minuit à dix-huit heures et l'enfance qui pourrait être pervertie. C'est si vrai.
Je crois que c'est une maladie que pas mal de filles ont, s'attacher, voire pire tomber amoureuse, de garçons qui ne sont pas du genre à être amoureux et rejeter ceux qui les aiment. J'en fais partie, c'est ennuyeux.

 
passionnee-par-les-reves
passionnee-par-les-reves
29-12-09 à 14:37

Re:

C'est une de mes grandes interrogations, la pureté, l'enfance déviante, la peau pervertie. Ca m'anime, m'obsède et me passionne aussi je crois.

Ces garçons, ils faudraient les oublier, les remballer. Mais il y a ceel adage, fuis moi je te suis, ...
et je crois qu'il est plus que vrai.