Tu dis que je suis une fille avec qui on s'attend à des surprises, une fille avec qui on préfère faire l'amour et laisser la vaisselle pour le lendemain, une fille avec qui on veut organiser des week-end. Mais que tout cela est sérieux, très sérieux avec moi, c'est ce que tu dis aussi. Moi, je crois que je suis une fille dont l'amour vaut 1 euro 75.

Je traine la patte dans les rues de Paris. Je passe devant le P*nth**n et tout ce qu'hier me donnait la soif d'apprendre et me faisait me dire que j'étais chanceuse d'être là, ne me parle plus. Je ne reconnais plus ni les bâtiments ni leur couleur, ni le ciel ni rien du tout. Dans les rues de S**nt-G*rm**n des Pr*s, je ne fais pas tache. J'ai même la panoplie complète de la petite doctorante parisienne mi-créative/mi-requin. J'ai ressorti les chaussures vernis, je fais tenir mes cheveux avec une barrette sur le côté gauche, je porte une jupe blanche en dentelle que j'avais achetée pour te plaire le soir où tu dinais avec tes collègues au restaurant qui sert des thés au gingembre très poivrés, mes lèvres brillent mes yeux aussi. Il ne manquait plus que le fait d'avoir un psy et une carte illimitée au cinéma. Maintenant, j'ai tout. (Le premier film que j'ai vu se passait dans les paysages que tu vois maintenant tous les jours.) Dans ce Paris des beaux quartiers étudiants en pleine effervescence, je ne m'y retrouve plus. Je marche sur les trottoirs en sentant mes yeux se mouiller toutes les quinze minutes. Tout est décoloré. J'ai la panoplie mais ceci n'est qu'un déguisement, qu'un artifice qui ne me sert ni d'armure, ni de protection. Je suis à poil, mes sentiments totalement à nu. J'essaie de circonscrire les temps de parole à ton sujet pour quand je vois Psy., mais c'est bien plus compliqué que je ne le pensais au final. Et tu restes mon principal sujet de conversation. Je ressors de la séance en me disant que je n'arrive pas à mettre en mots tout ce que je ressens. La dernière fois néanmoins, nous avons parlé de toi, de tes réactions. Je ne sais pas si c'était moins violent finalement.

J'ai mal aux yeux et à la tête à longueur de jour et de nuit. Je me réveille à 3h du matin, la sueur des cauchemars sur la peau, le matin je suis épuisée. Tu étais bien présent cette nuit.

J'en ai plein les yeux ; si on me demandait ce que je faisais en ce moment, je pourrais répondre que j'en ai plein les yeux.

Tu me manques, t'as créé un putain de vide. Y'a comme un trou à la place du coeur maintenant. Il fuit, je pleure par le cœur.

Je n'en reviens pas de vivre ça, j'ai peine à croire que je ne sache pas couper court. Ton mail du 26 mai ressemblait à ceux que deux personnes qui ont été ensemble s'envoient, ton mail avait un goût d'amitié et je ne suis pas prête à la goûter. Je ne veux pas être ton amie. Si tu me racontes les filles que tu embrasses dans les boîtes de T*l *v*v, c'est simplement pour que je sache ce que tu fais de ton corps. Tu sais, le sexe entre nous est délicieux, incroyable, et je sais que dans six, sept ou dix mois, si on ne se revoit pas, les choses auront certainement changé. Et j'ai très très peur que les sensations dont on est capable tous les deux s'étiolent comme les fleurs sur lesquelles on souffle au printemps.

Dans la rue de la r*qu*tt*, un homme tapait un code à la porte de la synagogue. Il a dit : "C'est moi", et en raccrochant avec l'interlocuteur de son I-phone, il est entré. Le bruit lourd de la porte beige a claqué fort. Plus bas dans la rue, j'avais vu les portes de l'église que je fréquente grandes ouvertes. J'ai trouvé le contraste violent. Et personne autour de moi ne semblait remarquer quoi que ce soit.

T'écrire que je t'aimais très fort m'a coûté 1 euro 75 centimes. Oui, je suis une fille qui dépense 1 euro et 75 centimes pour écrire les choses de son cœur à l'homme qu'elle aime. Comme je pense à toi.