On est le 15 décembre. Il est l'heure de pouvoir te demander des comptes, savoir un peu mieux ce que tu vas faire de nous.
Ce soir, j'aurais dû t'amener rencontrer Gyl, j'aurais pu aussi prendre mon courage à deux mains et y aller seule. Faire preuve de courage oui. Porter une robe et puis sourire. Mais je me sens trop timide, je n'envisageais pas de passer seule la porte de son nouvel appartement - peut-être, était-ce de bon ton d'aller le féliciter pour la sortie de son premier roman, oui. Je suis dans mon canapé beige, et sans doute n'en bougerai-je pas de la soirée. Ni musique, ni télé. Seulement des mots que je ne devrais pas voir et qui me font mal autant que je respire ce soir. Il y a aussi l'idée d'un mal prématuré, un déchirement là, dans la gorge, au creux du ventre et à la place du cœur qui présagent l'état dans lequel je serai à partir du 09 février prochain. Cet après-midi, pendant la sieste, je t'ai soufflé que tu allais me manquer. Tu ne le sais que trop bien et pourtant, nous continuons à profiter de nos peaux et de nos moments comme si chacun était convaincu de l'avenir qu'on se fait de nous. Moi, je pense une chose, tu en penses une autre. Il ne s'agit-là que d'un homme et d'une femme qui pourraient s'appartenir à v-i-e - ceci étant bien sûr ma version des choses. Mais tant de chemins étrangers semblent se profiler devant nous. Cette fois, j'espère, M., que je ne manquerai pas de courage.
Je ne suis pas jalouse de toi. Je ne jalouse pas le fait que tu aies toujours un fantôme à qui penser, une silhouette à te souvenir, un rire à te rappeler ou des engueulades à t'imaginer. Jalouse de rien. Gyl n'est plus rien, et même si je manque de courage, je ne ressens plus rien pour lui. Il y a un an, je le couvrais de bien trop de cadeaux de Noël, aujourd'hui, ils sont pour toi et je réfléchis à un dispositif pour te surprendre. Il n'y plus personne d'autre que toi. Jalouse de rien. Tu me diras que les garçons vont et puis viennent dans nos cœurs - lentement certes, ils ne dévalent pas la pente de nos sentiments comme on fait des roulés-boulés dans l'herbe d'été - mais que des garçons, il y en aura d'autres. Il y a un an, j'étais férocement convaincue que c'était Gyl. Aujourd'hui, ma conviction est bien plus claire, moins fantasmée avec toi. Je ressens et puis je le dis, je vais me casser la gueule peut-être mais j'ai l'habitude de ne pas être attendue les bras grands ouverts tu sais. Alors je n'ai pas peur de ce pays, je n'ai pas peur d'une nouvelle vie, j'ai déjà commencé à me détacher sérieusement de la famille qui m'entoure. Par replis sans doute, par manque de courage encore une fois peut-être bien. Ce soir, mon cœur pèse douze tonnes et tu ne comprendras pas pourquoi. Pour la première fois sans doute, je ne te donnerai pas toutes les cartes. Mais Sache que ce cœur exsangue Pourrait un jour s'arrêter Si, comme un boomerang Tu ne reviens pas me chercher Peu à peu je me déglingue Victime de ta cruauté.

Je suis dévastée mon cher ami. Je n'existe plus. Mon corps a froid nuit et jour, l'hiver ne me va pas et le contrat qui me nourrit m'est contre-nature. Bien sûr, tu ne peux pas tout comprendre. Bien sûr que tu ne sens pas ce qui se joue à chaque instant à l'intérieur mais force est de reconnaître ta clairvoyance. Trois fois, tu m'as l'amour aujourd'hui.
Je me demande simplement où j'en suis aujourd’hui avec les amoureux qui ne sont pas amoureux.