Jeudi 08/11/12

L'autre lui demandait si je n'étais pas simplement une bonne lectrice, juste ça, si au fond je savais vraiment bien écrire - je ne sais pas ce que ce serait de savoir vraiment écrire d'ailleurs -, alors oui, peut-être que je ne suis qu'une raconteuse d'histoires pour jeune fille pudique, timide ou désincarnée, une raconteuse d'histoires pour les hommes d'une quarantaine d'années, frustrés, qui se la jouent "je vais t'apprendre la méditation et la plénitude, petite". Peut-être. Mais quand, par bonheur, je sens l'odeur douce, passagère et indomptable qui émane au creux du cou de M., je ne peux pas m'imaginer ne pas la retenir, la figer par les mots. En rentrant, je me disais que ce sera difficile lorsque son corps sera loin.

Vendredi 09/11/12

Hier soir, j'ai pris le dîner en main. Il ne s'agit que de deux tomates cuites mais de bien plus pour moi. Il avait acheté des fruits chez l'épicier pour après le sport et pour le dessert. Ce qui m'étonne, c'est qu'il ne demande pas si je veux une clémentine non, ce qu'il demande c'est si je veux qu'il m'en épluche une. Sans doute parce qu'il savait que je n'en prendrai pas sinon. Petite fille.
Il parle de mon corps comme s'il s'agissait d'une rareté. Nous nous trouvons beaux ; quand je le regarde, je lui lance une fois sur deux qu'il est sublime. Le temps est aux chocolats chauds d'hiver mais j'alterne encore avec des grands crèmes. Nous nous réveillons tard lorsque les matinées ont le droit de ne pas être, nous petit-déjeunons alors à pas d'heure et quand on me demande mon prénom pour le noter sur la boisson, je réponds Esther. Le dimanche après-midi, nous bateau-mouchons et alors qu'il fait froid et sec - un temps à bateau-moucher en somme -, je passe toute la balade sur ses genoux, mon dos contre son torse mâle. Et, alors que la baterie de mon téléphone est à plat, j'imprime toutes les photographies de Paris depuis la Seine dans ma mémoire de petite grande romantique, celle que je mettrais dans la case "Souvenirs de M., automne 2012, bons baisers de Paris". Nous nous gavons de roquette et un dîner chez un italien du Marais vaut plus qu'une soirée de remise de prix littéraire où il aurait sans doute fallu faire de larges sourires et faire semblant d'être à l'aise. Lorsque sur le canapé, dans un collant noir épais, je me love contre ses cuisses, il dit que je suis un chat. Ce petit chat qui se sent si bien sous les baisers délicieux de M., celui que j'appelle amoureusement Mon amant de la Chine du Nord. Je dis amoureusement oui, parce que je n'arrive pas bien à dissocier subtilement les choses en ce moment. Il y a trois cases : celle de l'article qui m'ennuie au plus haut point, il y a le présent qui bat très fort comme un mon coeur arythmique et celle de la grande école qui, elle, bat son plein. Quand nous terminons un déjeuner en pleine semaine à 15h, qu'il rentre tard au m*n*stère et que nous nous embrassons devant Beaubourg pour se dire "à ce soir au téléphone", je me sens être sa Parisienne, sa Parisienne qui aimerait tant re-devenir Italienne comme dans mes étés d'enfance. Dès lors, je me fais les plus beaux films qu'il est possible de se faire. Je nous imagine à Rome, bossant sur une chaîne de télévision dynamique. Appréciés de tous, nous ferions les allers-retours Rome-Paris pour, de temps en temps, se rappeler que la famille reste un ciment. Nous, je nous consume et sa peau, je la dévore. Peut-être que si j'en attrapes suffisament, il sera obligé de venir en retrouver l'essence à son retour. S'il revient.