J'entendais une mélodie de Noël et je voulais la faire taire. L'autre soir, nous sommes passée à Novembre et je n'ai rien vu venir. Cette année non, je n'attendrai pas les fêtes de fin d'année avec impatience parce ce jour où j'aime me retrouver dans l'église froide et prier tout ce que je souhaite et remercier tout ce que je n'ai pas assez remercié durant l'année, ce jour signifiera que le corps de M. se sera envolé à l'autre bout de la terre et que son âme.
L'autre soir, il disait n'être plus là, à Paris, dans sa vie, qu'à 97%. Pour la première fois, je comprends. En effet, nous ne vivons pas la vraie vie. Il dit que je ne suis ni le passé, ni l'avenir, mais le présent ; ce présent par intérim - le meilleur du présent. Je comprends désormais ce que disait Gyl de nous. Oui mais j'ai réponse à tout. Je lui rappelai alors qu'il détestait quand les autres lui disaient Je ne me fais pas de souci pour toi ! Et qu'il leur répondait que si, si il faut se faire du souci parce que rien n’est écrit. Si je ne suis pas encore l'avenir qu'il imagine, si nous deux existe aujourd'hui parce qu'il y a pour lui la perspective du départ, alors je ne cesserai de lui répondre que rien n'est écrit non. Il ajoutait, c'est comme l'horoscope, tu trouves toujours des trucs qui te conviennent. Des horoscopes, moi, je lui en écrirai tous les jours si il faut. Pour que l'on trouve ses trucs qui nous conviennent.
J'ai repéré une petite bouilloire à emmener là-bas, mais je n'ai pas osé choisir à sa place. Dans le magasin ce soir, j'ai voulu lui choisir aussi un calendrier de l'Avent, mais je me suis dit que chaque chocolat mangé me ferait penser à un jour consumé avant son départ. Je crois qu'il y aura d'autres jours de sursis en janvier, mais les cadeaux seront déjà passés - comme d'habitude, je m'y prendrai le 23 - et le temps aussi.
Avant, je pleurais ce temps qui passe, je m'efforçais de le retenir en picolant des verres de vins blancs dégueulasses ou de vodka qui font grossir. Aujourd'hui, je m'en veux terriblement de jouer à celle qu'il croit que je suis encore. Alors, bêtement, je lui montre ce qu'il dit. Mais ça ne me va plus. L'anis des pastis n'a plus ce goût de paradis que j'aimais tant ; il devient un remède aux soirées parisiennes que je ne savoure plus vraiment, une échappatoire à tout ce qui m'immobilise : le long article à rédiger, la thèse, l'envie de vie plus active, mon absence de Danse.
Suite au conseil du joli garçon au prénom composé de mon anniversaire, et pour me faire plaisir, M. se laisse pousser la moustache. Je préfère les baisers avec moustache. Sans doute un autre vieil Œdipe.
En rentrant des courses, je divaguais, comme souvent du reste, et j'imaginais un mail daté de dans huit mois dans lequel il me demanderait si je voulais venir le chercher à l'aéroport. Cela signifierait alors que nos échanges postaux auront fonctionné. Que les lettres d'amour que je m'apprête à rédiger - celles que j'insérerai une à une dans mon roman - auront servi à nous retrouver. J'aurais une pancarte devant la salle des arrivéess sur laquelle sera écrit M. ==> petit Lu. Je porterai une jolie robe rouge avec un décolleté parfait, je n'aurai pas pris un gramme, et au pied, lacé à mes chevilles qu'il aime tenir quand il me fait des caresses, des chaussures noires ouvertes avec un petit talon. Quand il me verra, j'agripperai mes mains à son cou et mes jambes à ses hanches. J'ai toujours été une grande réalisatrice de film français. Et tant pis si nos enfants - Côme et Ester - n'auront que pour seul héritage ces lettres d'amour.
Mais je ne peux pas m'empêcher de me dire que jamais je ne retrouverai intact le garçon qui part. Parce que le garçon qui part y va non pas pour se retrouver mais pour se trouver. Et que vivre sur la Terre sainte sera forcément changeant, bouleversant ; je doute encore que ce qu'il cherche soit là-bas. Parfois, j'ai envie de lui montrer que ses entrailles, je les tiens dans mes mains ; il ne se rend pas encore compte de nos liens mais si il faut, je les serrerai plus fort pour lui montrer qu'à l'intérieur ça vit encore.
Je lui ai demandé à partir de quand je pourrai commencer les grosses crises de larmes. Mi-décembre, il a répondu. Pourvu que le temps s'endorme d'ici là.
Commentaires :
Re:
J'avoue que les thermos de chocolat chaud comme tu les décris me font bien envie.
Même si tout ce que tu dis me fait autant envie qu'eux d'ailleurs, je crois, je suis sûre, qu'il n'y a pas de garçon "qui m'attend sans oser venir, celui que je n'aurais peut-être jamais remarqué". Mais en revanche, oui, peut-être qu'il y en aura un qui dépassera le temps de l'intérim. Et ce sera très beau...
Merci pour ces beaux encouragements.
Je monte du 20 au 26. On se voit?
Re: là bas...
Il fait référence "au départ" de cet homme, c'est son chemin, sans doute sa profonde intuition...
Pour l'après ("son retour ou non"), faites confiance à la vie, ne soyez pas dépendante de Lui mais comme vous me l'aviez joliment écrit, restez sous l'Emprise de l'Amour que vous avez pour Lui et non de Lui, de ses choix... Ainsi vous êtes Dépendante de Vous, de ce que vous ressentez, je pense que c'est important "dans la tête", vous aurez la joie de vous sentir heureuse, emplie d'Amour...
Re: là bas...
Pour le moment, l'heure n'est pas à penser à son départ - même si on le sait, que ça arrive et qu'on n'oublie pas.
Alors... on verra.