Détourner les regards et ne garder que les sourires qui me manqueront. Se faire à l'idée que dans moins d'un mois l'autre vie aura déjà commencé à jouer son numéro. Se dire que les grands, c'est moi maintenant. Parce que quand je les vois avec les sacs déjà sur le dos, et moi encore en débardeur, même s'il fait froid. J'me dis que je n'ai peut-être pas profité pleinement de mes années de lycée. Que ma Terminale ça n'a pas été l'année des conneries enchaînées, des bières décapsulées, des fêtes à étouffer la musique par nos rires à s'en faire mal l'estomac. Des diabolos violette sirotés sur la table du café habituel. Y'a quand même eu les cinémas après les soirées frites. Les squattages des petites chambres. Les feuilles de cours avec nos écritures étalées sur un lit. Les bouquins d'svt ouverts et étalés sur le parquet. Les cours de Danse enchaînés dans la semaine. Les discussions dans les vestiaires avec les mamans du cour d'avant. Et les commérages dans les toilettes qui laissent rageusement place aux médisances de ces derniers jours. Il y a eu les balades au bord de l'eau. Et la pluie qui mouille ma nouvelle veste. Le concert de Saez avec Laure. Les cours de philo qui s'échappent parce que certains préfèrent griffonner des dessins sur leur cahier, d'autres parler à celui d'à côté, d'autre avoir le regard vide pour faire semblant, d'autre voir le printemps naître sous les feuilles vertes. Moi j'étais tous ces autres à la fois. Il y aura eu aussi les cours de sport de l'autre côté du pont. Courir pour ne pas trop arriver en retard. Les Red Bull avalés avant le demi de fond. Daniel Darc en fond musical. Les Wriggles que l'on a chanté avec Marion. "Demain dès l'aube" parodié avec Amélie pour mon audition. Les pleurs parce qu'il est parti avec elle. L'aiguille de la balance qui est descendue. Le spectacle de Danse et retrouver mes parisiens pour Danser avec eux, encore une fois. Les passages à Paris pour les auditions. Les interros de maths qui donnent envie de se jeter par la fenêtre. Et eux. Ceux que j'oublierai. Où peut-être pas, mais eux qui ne continueraont pas à tenir un rôle dans ma vie. Et les autres surtout. Ceux que je regrette déjà. Ceux à qui je sourirai encore, ceux pour qui mes yeux couleront parfois, ceux pour qui mes doigts taperont des sms, ceux que je reverrai, ceux avec qui ce n'est pas fini, ceux avec qui j'irai encore manger une frite et filer vite fait pour ne pas louper la séance de cinéma, ceux avec qui je longerai encore les quais, ceux chez qui j'habiterai une après-midi, ceux qui me couleront encore dans la piscine, juste pour rire, juste parce que c'était bien. Ceux à qui je volerai encore des sourires et des "arrête avec tes photos". Ceux pour qui je reviendrai par ici. Ceux à qui je raconterai là-bas. Ceux à qui je parlerai encore de Danse et de Saez. Ceux à qui je ferai des pâtes colées.

Et comme un funamabule, il ne reste plus qu'à vivre sans eux. Recréer les petites chambres, trouver un autre quai, un nouvel album de Raphaël, les nouveaux concerts dans les salles parisiennes, les nouveaux vestiaires, les nouvelles barres, les nouveaux échauffements, les nouvelles variations, les nouveaux diabolos, le nouveau café. Les nouveaux Eux.