En voyant Antov de loin m'attendre à la sortie de Bastille hier soir, je me disais que je n'étais plus tout à fait la même. Ses cheveux étaient en pagaille, ses baskets n'avaient aucune forme, il tenait son sac en bandoulière et n'allait pas bien. De loin. Je me disais qu'il y a un an - à quelques jours près - je le voulais. Je l'avais eu, et ça avait été trois semaines merveilleuses. Au milieu de sa tendresse, de ses mots rassurants et de son animalité dans le lit. A moins que ça ne soit la mienne, d'animalité. Je me disais que je n'étais plus tout à fait la même. Non parce qu'entre temps il y a eu Gabriel et que je l'accepte plutôt bien. Cet embourgeoisement. L'autre soir, nous discutions, lui et moi. Et ça me collait pas mal au visage je crois. A la différence que moi je me bats. Lui il n'a qu'à, même s'il. J'ai passé la journée d’hier et celle d’aujourd’hui aussi à penser à cette grande école. Voilà. Ce que je suis devenue. Quitte à avoir lâcher la Danse, autant que le métier intéressant mais pas passionnant que je me taperai me permette d'aller à D*a*vi*le le week-end avec mon amoureux. Et profiter. Des plaisirs. Et dans cette société, les plaisirs vacanciers ont un prix indéniable.
Je crois qu'Antov est débraillé, et je ne les aime plus. Gabriel, lui, porte une chemise rose claire qu'on lui a offerte à Noël. C'est sa préférée. A choisir. Mais Alix, Alix a ce pull gris horrible de sweat au moment des partiels, sa barbe mal rasée et son haleine de tabac encore chaud entre les lèvres. Jeudi, il avait des Lucky Strike. J’ai dit que c'était mes préférés - Clément - et il a été surpris. Jeudi, je l’ai aussi charrié sur ce pull, et il m'a expliqué qu'il l'avait acheté à Berl** un jour de froid. Si c'est Berl** alors. Mais chut. Alix c'est. Encore là. Aujourd’hui, Antov de m’attire plus comme avant. Gabriel est peut-être encore trop loin. Alix est le juste milieu. Cette espèce de balance qui me prouve chaque jour encore plus que nous et l’évidence se tournent autour, flirtent ensemble comme deux timides que nous sommes.
Je ne comprends pas bien ce qui m'arrive. Ni même si toutes ces nouvelles envies resteront. Mais je me sens de mieux en mieux dans cette sphère. Il y a que je ne me sens plus à ma place quand je rentre chez les parents. Pas avec eux bien sûr, mais avec tout ce monde autour. Tous ceux avec qui j'ai passé l'enfance, l'adolescence et les allers-retours Paris - ***. Il y a que je ne suis pas encore complètement à l'aise avec ce milieu, et Papa me dit en riant l'année des méduses ma fille. Mais c'est plus fort que moi. Je veux réussir. Je ne parle pas de milieu social. Je parle de reconnaissance. Tu sais, si je cumule autant de vies, ça n'est que pour ça, la reconnaissance, et à cause de ça, le manque de confiance. Je veux y arriver, je sais que je peux y arriver. Ca n'est pas de l'auto-conviction. Non. Je sais ce que je vaux au fond. Mais il faudra faire du zèle, se vendre, apprendre l'anglais, et aller frapper à la porte du banquier. Pour y accéder. Je ne sais pas si ça fonctionnera, je veux dire si je séduirai suffisamment. Mais je veux essayer, je veux finir en beauté. Et si Alix m'a apporté une seule chose et bien c'est celle-là, la prétention de se dire qu'on a les capacités de terminer en beauté.
Je dis avoir lâché alors qu'on passe des heures et des heures au téléphone avec Flo à parler de notre héros. Je suis tombée amoureuse de lui, puis de son meilleur ami, maintenant je reviens au héros. Parce qu'il a quelques côtés d'Alix sans doute. Non la Danse, je n'ai pas lâché. Bien sûr qu'elle est toujours là. Là mais différement aujourd'hui. Elle est dans les mots, dans la création, dans beaucoup moins de cours, dans cette année intense au Conservatoire et dans notre roman. A tous les deux. On le construit comme on fait un enfant. Avec amour. Avec l'amour de donner un peu de soi. Je ne sais pas si Flo s'en rend compte, mais moi, dans cette histoire, je donne beaucoup de moi. Jeudi dernier dans ce bar de la Ligne 8, je demandais à Alix de me raconter en détails la scène avec l'Américaine, les photos et la jolie robe de son amie. Pour la retranscrire dans le roman.
Aujourd’hui j'ai des prétentions qui dépassent mes rêves de Danse. Et alors? Est-ce que c'est mal? Est-ce que je m'abîme? Je sais que je ne me laisserai pas corrompre, même si j'ai la chance d'entrer dans cette école et d'en sortir avec une jolie carte de visite en haut du CV. Mais dis, est-ce que je m'abîme? Est-ce que je ne fais pas ça parce qu'au final, je n'y crois plus à la Danse? Est-ce que j'ai simplement réalisé que les temps étaient aux danseurs techniques et que de toute évidence, je n'en fais pas partie. Mais n'empêche, j'ai toujours pris les chemins de traverses, j'ai toujours emprunté les routes parallèles, j'ai toujours attiré l'attention par des voies originales. Tu sais, les lignes droites, ça n'a jamais été mon fort. Du moins, je les suis au rythme de la moyenne. Et j'ai toujours voulu être brillante. Et je sais que mes rêves, c'est dans ces voies là qu'il faut aller les chercher. Les parallèles. Alors je tente de l'être en menant deux ou trois vies d'un coup. Mais dis, est-ce que je m'abîme alors?
Commentaires :
Re:
A vrai dire, je pensais ne pas avoir de retours très gentils après ça. Mais là, je suis sincère. Bizarrement, je le suis.
Re:
Et peut-être que ce n'est pas "ne plus y croire". Je ne sais pas.
Re:
Bien sûr que j'y croi encore. Un peu moins comme une enfant on dira...
Mais merci pour le reste, parce que c'est touchant. De voir que justement ça peut toucher ce côté carriériste.
xx
J'en ai débattu longtemps avec des gens différents et il en résulte toujours ce choix.
Je ne peux que te souhaiter du courage et bonne chance pour tout ce qui est à venir. Les week-ends à Dea*ville, je n'y compte pas trop. En même temps, ce n'est pas la ville de la côte que je préfère.
Tes deux ou trois vies d'un coup. Je souris et puis on en a parlé au téléphone. Encore une question de point de vue. Entre le plus tard et le maintenant.
J'aurais d'autres choses à te dire mais déjà il est temps de repartir m'abîmer... ;)
T'embrasse
Re:
Je crois que ça me plaira. Non je dis ca alors qu'il y a vraiment très peu de chanceS pour que je rentre dans cette école. Mais ça me plairait,de bouger sans cesse, de Danser encore et encore, d'écrire, de publier, d'organiser, d'être à la tête de.
De partir en Normandie sur un coup de tête et les mains dans la main sur la plpage. Oui je suis fleur bleue, c'est ainsi. Au fond, la famille équilibrée, folle, viv et active, ça doit être un de mes rêves..
Les vies entre le plus tard et le maintenant. Oui peut-être qu'au final je serai rudement déçue, peut-être que c'est bien trop dur pour moi de vivre l'instant. Ca demande beaucoup trop d'engagement je crois. Je préfère planifier l'approche du bonheur sur le long terme je crois. Ca évite les déceptions d'une autre manière.
Enfin je ne sais pas bien.
Kyrah