J'ai arrêté tous les excès. Tu vois bien que la raison ne fait plus que prendre le dessus. Je ne savais pas que je pouvais être aussi faible. Que ce qu'il y a de désir en moi était si peu combatif face à l'adversité du sérieux. Je ne savais pas. Maintenant je sais et je ne suis pas fière. Mon sommeil est lourd, pesant. C'est là que mon Moi se rebelle, qu'il se libère de tout ce que je lui fais subir. En arrière du sens, au devant de la nuit. Les jours ne comptent plus. Je vais finir par ne plus rien rentrer dans l'estomac. Mais je m'endors déjà, sans énergie et il n'y a plus de vitamines.  Mon corps a du mal à tenir. J'aime. Retrouver la volonté, la ténacité d'avant. De quand on était petite, dirait Manon. Quand on donnait tout à et pour la Danse. Il suffit juste de penser aux carcans de la société dans lesquels j'ai tu as voulu me fourrer. Je sais, que je peux déconner. A plein tube. Bien sûr, je ne fais jamais les choses à moitié. Quand c'est décidé, je vais au bout, je me défais du surplus, je vomis tout. Oui c'est déjà arrivé tant de fois. Ca recommencera si je dois perdre pied et ne plus résister à la tentation d'être cette fille qu'il faudrait que je sois que je ne pourrais jamais être. Mais s'en rapprocher, tu sais, le plus possible. Voilà, j'irai tout gerber comme une petite conne. La colère si vraiment elle existe aussi.

En quatrième le prof de sport me disait que je ne savourais pas - ou du moins jamais assez longtemps - mes victoires. J'avais sauté si loin dans le bac à sable, comme pour le dépasser, dépasser la ligne générale. C'est toujours pareil maintenant. Rien n'a changé. Quand je lis mon nom sur les listes d'admission, je pleure, quelques minutes. Au mieux quelques heures après, je me saoule pour me vider de tout ça, tu sais, le stress et surtout de tout ce temps supplémentaire que j'ai attendu pour espèrer un peu plus. Mais l'estime - de soi - elle, s'évapore. Je ne me fais pas confiance. Sans doute encore moins qu'aux autres.  Déjà que pour eux, je n'ai pas appris la confiance. Ca doit-être ça le problème. Tu as raison, sans doute. Mais qu'est-ce que je me suis prouvée au fond? Tu sais au fond.

Je joue. Je fais semblant. Non ce n'est pas jouer. Parce que je ne m'amuse pas vraiment en réalité. Je tiens au corps et à coeur ce personnage de la fille qui n'a pas froid aux yeux. Intox. Je suis comme ça. C'est vrai : patron ou pas, directeur ou pas, inconnu ou pas, je taquine, je surprends, je fais sourire, je mets mal à l'aise. Je dépasse toujours un peu plus les limites et j'arrive même à cacher le mépris que j'ai pour les autres maintenant. Je suis de plus en plus douée à ce jeu qui n'est pas un jeu. De plus en plus. Et après cela, j'ose encore dire que je suis raisonnable. Pas dans l'attaque, pas dans les mots. C'est fou parfois comme la naïveté des gens m'éloignent de certaines classes. En ce moment je paraîs critique, condescendante, désobligeante peut-être même. Mais putain, arrêtons de pardonner à la médiocrité. En ce moment je paraîs comme ça, et il est temps d'arrêter de le cacher. Dessous pourtant, bien sûr il y a la douceur. Mais c'est pour plus tard. Plus tard quand je. Tu sais bien, en ce moment aussi, j'énerve à ne pas finir mes phrases. Mais moi je sais pour quand ce sera.

[Charlie, Le sapin]