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Au petit monde on oublie

Vendredi 26 Juin 2009 - 21h00.

Oui je suis nonchalante. Mais cet endroit me donne envie de l'être. Il ne me laisse pas le choix. C'est comme si la vie s'arrêtait ici. Voilà, c'est bien cela. Sur l'axe des abscisses, le temps passe, sans remous, il file avec une lenteur accablante. Et sur l'axe des ordonnées, la vie, stagnante, impalpable, toujours la même, presque inexistante. Il n'y a qu'à attendre la mort dirait ma mère. C'est fou, fou comme cet endroit m'exaspère. Les filles n'ont aucun style, des diamants aux oreilles et un shogging blanc remonté aux mollets. Les garçons écoutent de la musique inaudible. Et j'attends. Que le train parte. J'attends en montant mes barricades. Oui parce que. J'ai peur que cette ignorance m'atteigne. Cette sale ignorance qui grouille dans leurs yeux globuleux et vides, d'un vide impressionnant et massacrant. J'ai peur que, malgré moi, ils me transmettent leur pauvreté. Leurs âmes sont pauvres, au mieux braves, leur intelligence pauvre, leur physique... ils ont l'air tellement bêtas.

Le vieux train fait un bruit d'antan. Il me rappelle celui pour l'Indochine, celui pour les colonies. Il me rappelle les Anglaises habillées avec de grandes robes blanches et des chapeaux légers volumineux. Ca bouge tellement, les rails sont bancals. Le confort n'est pas là. Et pourtant je pense à cette chaleur dans les colonies, au faible courant d'air - souffle de vent - qui fait vibrer les voiles des rideaux accrochés fenêtres baissées jusqu'en bas. Il me rappelle Marguerite Duras, il me rappelle L'Amant. Je me souviens comme je l'aimais, je me souviens comme je la dévorais. Comme cette héroïne insolente et adolescente me rappelait celle que j'aurais vraiment aimée être ou celle que j'ai été à ma manière et que je continue d'être. Indéniablement.

J'aime cette prise de risque, cette insouciance. Elles me manquent tant. J'ai été comme ça. Et maintenant je me freine. Même si parfois, sans que je m'y attende, l'alcool - souvent c'est lui - fait tout lâcher. Et je me réveille avec un peu de honte à bras le corps parce que je n'ai pas été aussi pure que je dis que je le suis. Oui j'aime la pureté. J'aime le blanc. Mon regard est attiré par les vêtements blancs, légers, le lin, les voiles. Par les blonds et leurs yeux bleus complémentaires. J'aime le blanc et la certitude que mon âme, ou au moins mon corps, est encore pur(e). Pourtant. Je me rends compte du rouge sang qu'il y a en moi. De ce qui transperce de la transparence, de ce qui s’évente de nos transpiration.

Comme dans le roman, il y a l'eau, l'eau autour. Le fleuve et la vapeur d'eau en amas au-dessus.

Deux mois. Deux mois entiers à tenter de respirer dans cet endroit. Je m'y vois déjà suffoquer, étouffer et puis faner. Comme par la chaleur écrasante de l'Indochine. Les ombrelles tenues par les mains gantées des Anglaises. Le Commonwealth. Je ne tiendrai pas non. Même si le train prend un peu de hauteur et que je peux imaginer les plaines savanes, ocres et azurs à la place de tout ce vert et de cette grisaille.

Je ne tiendrai pas non. Parce que les tours et la pauvreté refont surface. Parce que l'Indochine est bien trop loin. Parce qu'il n'y a bien que l'humidité de cette région qui trouve un point de convergence au lavement à grandes eaux de la maison de Duras. Parce que malgré ce qu'on pourrait en dire, Duras n'est pas en Indochine. Duras devait préférer le Sud au Nord, le Pacifique aux forêts vides. 21h48.

***

Je n'y peux rien. C'est plus fort que moi. J’aime quand les choses sont bien faites. Je déteste ne donner qu'un peu quand on peut donner plus. Je n'arrive pas à faire à moitié. Même ce matin, alors que je n'arrêtais pas de souffler face à ces directeurs. En deux temps trois mouvements, je construisais un planning pendant que ces jeunes animateurs écorchaient la langue française et me prenaient pour une Illuminée quand je proposais les différents mouvements pour l'atelier peinture.

Il faut que ça aille vite. J'aime la Vitesse. C'est chaque fois dans l'urgence que je réponds. Ce sont ces appels au secours, ces cris de SOS qui motivent mes impulsions. La lenteur, elle, me dépasse.

Je ne tiendrai pas non. Et je devrais me taire quand je vois les parents qui comptent les jours les mois les années. Qui ne pensent qu'à ce moment où ils pourront se barrer loin d'ici.

L'intolérance. Et puis tant pis.

Ecrit par lilou, le Dimanche 28 Juin 2009, 13:05 dans la rubrique Au jour le jour.