Je pensais à l'Angleterre. Et à la mer. On était en 5ème et on avait pris des photos sur le petit muret devant la grande étendue d'eau. Des photos de copines. Je pensais au vent qui soufflait contre nos joues et ce premier voyage linguistique au collège. Je pensais qu'après tout ce temps, je savais à peine aligner trois mots d'anglais. Je pensais à cet été qui sera un travail en lui-même. Parce qu'il y aura les centres aérés et aucune couleur italienne. Je pensais à Hugues que je ne verrai peut-être pas plus que l'été dernier - ou peut-être que si, à Amel et notre éloignement évident. Cet été qui sera certainement solitaire. Loin de Paris, loin du soleil du Sud, loin des cours de Danse tous les jours, loin de Clément. J'en profiterai pour rédiger ce scénario dont je commence à parler autour de moi. Le sujet change souvent. Au départ, il devait être dans la veine des Innocents de Bertolucci, montrer ce qui dérange, la sensualité des corps et même le malsain ; et puis maintenant il y a la Danse qui s'est incrustée sous les images, la Danse pour la beauté du corps en mouvement ; il y a le thème de la solitude peut-être aussi. Mais il y a des mots, liés à des images. Parce que les projets il faut les créer. Que j'ai besoin de m'envoler dans l'Art. Trop longtemps que ça stagne, que je ne progresse plus assez. Que je ne m'épanouis pas vraiment. D'ailleurs ça se voit. La création pour la pièce de fin d'année se passe mal. Les répétitions sont longues et éprouvantes. Hier, la chorégraphe a voulu me faire parler, m'a fait pleurer - devant les autres. Et j'ai compris que je contenais tout - encore - et que ça n'avait pas changer. Que je continuais à tout emmagasiner en moi jusqu'à ce que ça lâche. J'ai essayé d'éviter le sujet, de barratiner mais elle revenait à la charge. Je me sentais prise en otage. Un otage autour d'eux tous, un otage de ce malaise qui se suspendait aux mouvements alignés les uns après les autres. Elle essayait de comprendre, pourquoi il n'y avait aucun contentement après le montage final, pourquoi je semblais si fermée. Entre les larmes, je tentais d'éviter les questions en employant des mots inattendus et réfléchis, en gardant un calme froid et en montrant que je n'étais pas en colère. J'essayais de montrer que j'étais quelqu'un d'éveillé. Mais au fond, elle avait raison. Ca n'allait pas. Les discours impulsifs ne me semblent plus forcément bons à dire. J'étais sans doute plus spontannée avant. A 12 ou 14 ans. C'est pas ma cam, j'ai dit. J'ai pensé que merde, il fallait être quand même bien accro[chée] dans ce "métier".