Un coup d'oeil dans sa vie. Et aussitôt j'ai envie de me convaincre que ça va. Du moins à ce niveau là. Je n’ai même pas envie de lui faire croire. Alors j’essaie de penser à Clément. Il me fait rire. Même s'il n'a toujours pas compris que mon examen était en fin de semaine, même s'il croit encore sûrement que mon anniversaire est le 2 Juillet. Clément est là dans ses sourires et dans la fumée de ces Lucky Strike. Il me manquerait presque aujourd'hui. Ses mains sur mon corps. Cette façon de deviner mes sourires en coin au téléphone. Nos yeux qui cherchent dans les dicos. Les draps froissés. Me convaincre que le mal est passé, digéré. Fini. Il a ce truc de particulier et il dit que je suis folle. Je ne triche pas et c'est bon. Il est là, avec sa chemise débraillée. Il est là sans l’être vraiment. Parce qu’il est comme s’il n’y avait pas deux. Il dit qu’il est désolé. Il ne l’est sûrement pas. Il me manquerait presque. Presque envie de lui dire que ses bras me manquent, que sa nonchalance me manque, que son haleine qui pue la bière me manque. Qu'au fond, on a qu’à essayer, on verra bien ce qu'on donne tous les deux.
Je lis "Je t'aime", des mots d'Antoine. Et ça fait bizarre. Ne pas savoir ce qu'il y a derrière eux, ni même à qui ils sont vraiment adressés. Mais c’est surprenant. De lui. Je pensais qu'il n'avait jamais appris à les dire. Je pensais qu'on était de la même veine tous les deux. Qu'on ne s'abaissait pas à ce genre de jérémiades. Ou qu’on n’arrivait simplement pas à les dire ces 7 lettres. Je ne sais pas l'histoire derrière et pourtant y'a comme un pincement au coeur. Cette manie d'idéaliser les garçons qui m'ont attiré. Toujours. Les placer sur un pied d'estale. Avoir cette putain d'impression de ne jamais les mériter. Rester attacher malgré tout et être arracher.
J'aimerais être un garçon parfois pour regarder ce qu'il y a dans la tête des jeunes filles. J'aimerais être ce garçon qui élabore des plans d'approche. Qui se sent niais. Ce garçon qui se demande encore comment la séduire. Ce garçon qui boit de la Vodka avec ces copains sur des quais le samedi soir. Ce garçon qui croit tout savoir sur tout. Ce garçon qui plaît, ce garçon. Ou peut-être un autre garçon finalement. Celui qui me donnera l'envie de me barrer quelques temps à l'inconnu des premiers horizons. Ce garçon qui ne s'attache pas, ou qui essaie du moins. Ce garçon qui sait garder la distance entre lui et mon coeur. Ce garçon qui enroule son écharpe autour d'un long cou fin. Ce garçon qui porte une chemise entre ouverte sur la peau nue. Ce garçon baratinant les jeunes filles en fleurs. Ce garçon qui aime le Cinéma, le vrai. Ce garçon qui écrit sur ces genoux. Qui écrit des mos incisifs et qui plaisent aux filles. Ce garçon qui gagne à tous les coups.
Le jeu des gens me fait rire bien plus qu'il me dérange. A jouer les antipathiques, les agacés, les absents, les occupés, les indisponibles. Les gens se donnent un genre et plus rien ne m'attire là-dedans. J'ai presque envie de lui dire d'arrêter l'égoïsme pour qu'il soit plus heureux. J'ai presque envie mais je ne le fais pas. Je veux penser à moi d'abord. A mon examen et je ne veux rien regretter. Arriver, juste avec cette dose de stress infime qui te met dans l'ambiance. Comme la dose d'alcool tout juste nécessaire pour te sentir à l'aise, désinhiber et en forme. Un peu de stress, des appuis en béton, de jolis vrais sourires, un air professionnel, une tchach adaptée. Et. On me dit que techniquement ça va. Les avis sont partagés pour ma variation libre. On me dit que j'ai progressé et que mon corps s’imprègne du jazz. Les uns me disent de ne pas tenter maintenant, les autres me disent que je peux l'avoir cette fois. Je ne suis pas une fille cool. Je suis hyper stressée plutôt, et hyper-lordosée, ce qui n'arrange pas les choses. Je respire fort, je souffle à plein poumon pour me détendre.
Vodka. Vin. Fêter ce temps qui passe et je sais que toi tu te foutrais de moi. Les anniversaires m'emmerdent autant que les nouveaux ans tu sais. Oui mais s'il y a l'alcool peut être que je retrouverai Julien. Julien Sorel. Je divague, j'ai peur du temps.
[Bébé Brune, Perdus cette nuit]