Le Mardi 29 Janvier 2008 : 21H48.
Janvier arrive à sa fin. Et je n’ai rien vu venir. Je vis encore en suspens. Dans cette espèce de continuité véloce qu’il ne me suffit pas de suivre. Je me rends compte que ma vie se joue à la minute. Les dernières minutes de mouvement quand je chope mon sac à la volée et cours à la Fac en ayant laissé la brassière de Danse humide, les minutes d’attentes des métros quand je devrais déjà être sur les bancs de la Fac, les dernières minutes qui paraissent des secondes à la fin d’un partiel. Les minutes qu’ils restent avant d’exploser. Mon portable sonne sous des feuilles de cours qui s’entassent sur le canapé. Je réponds par un « Qu’est-ce-qui-t’arrive » faussement sec et affectif. « Juste pour prendre de tes nouvelles. Ca va ? ». C’est difficile de distinguer les gens qui veulent réellement savoir si l’on va bien de ceux qui le demandent par politesse. Peu importe, il n'est pas les gens. On recommence. Ces inepties sur notre future vie de couple. On vivra donc « d’argent et de champagne chaud ». Il dit que je suis une fille persuasive « Tu sais ce que tu veux et où tu vas». Il y a plusieurs mois déjà qu’on ne s’est pas vu. Plusieurs mois qu’Hugues n’a pas vu mes cernes sous les yeux et mon sourire troublé par… tout ça. Il y a quelques mois, peut-être que je l’ai réellement été. Cette fille plein d’entrain. Il y a aussi cette putain de période où lui se sent susceptible et moi désarçonnée. Il y a toute cette affection que je lui porte. Et j’ai voulu pourtant. Ne plus rien ressentir. Le virer de ma vie. Et puis revenir dans cinq ans. Sourires aux lèvres, bribes de souvenirs qui laissent nostalgiques. La distance qui s’est installée depuis cet été est complètement factice. C’était juste pour me protéger de moi, et de mes sentiments. Mais on tient l’un à l’autre. Indéniablement. Il fait partie de ma vie comme je fais partie de la sienne. On joue comme une partie de domino. Je m’accorde [ou me désaccorde] à son chiffre précédent. On se raconte ce nouvel an. Tout l’alcool qui a glissé dans ses veines, ces joints inhalés dans la gorge. L’overdose de vodka et celle des révisions. Je ne crois pas qu’il m’ait manqué ce soir-là. « Et toi c’était bien ? ». Je lui parle de Paris sous les effets de l’alcool. Et les autres effets. Ceux du temps, du présent qui ne l’est sûrement pas. Les effets de la musique dans la pièce d’à côté. Le jazz qui nous emporte même les jours de fêtes. Et le corps jette les temps forts sur le 2 et le 4. Entre. Il y a du vide. De l’oubli. Du noir, du néant. Je ne me rappelle pas. Et c’est sans doute mieux comme ça. Parce que je ne m’aime pas dans l’amnésie de la Vodka. Je ne contrôle déjà pas grand chose. Et puis forcément, je pense à Anne. Parce que depuis, on passe le peu de temps libre, qu’on vole, à s’évader dans des sons rock des nouvelles scènes parisiennes. L’autre jour, en sortant de Beaubourg, on rencontrait ces jeunes musiciens pour la première fois. Il y avait ce bassiste blond qui portait encore ce prénom qui me poursuit. Il nous racontait l’Australie, quand les vagues se brisent sous la planche. La voiture achetée sur place et les auberges de jeunesse. Tout ce que finalement, je n’aurai jamais l’audace de faire. Même si je le voudrais profondément. Il a ce putain de sourire charmeur, une espèce d’aisance qui est accorte à en crever. Et en plus, il joue de la guitare. En plus. Ne m’en déplaise. La gratte : l’atout séduction de ce 21ème siècle. Avant, les filles craquaient pour les gangsters, maintenant, ce sont les guitaristes… Et puis ce garçon avec des boucles brunes et un visage assez fin, qui les suit. A travers les salles de concert. Ce garçon que j’avais regardé dans le noir de leur son sourd. Ce garçon qui était encore là l’autre soir, dans l’évidence d’un sourire. * Quelques heures plus tôt, les mots d’Antoine. Forcément, Les Rivières Pourpres, forcément, c’était le début de longues soirées à lire l’écran de mon portable, à répondre dans les dix minutes qui suivent. A celui qui s’endormira le premier. J’ai l’impression de ne jamais en finir. Même quand j’ai cette sensation d’arriver au bout, il me rattrape. Comme s’il me tirait par le col. Il me demande de repenser à nous, de faire des listes de souvenirs. Je souffle. Parce que je n’en ai pas envie. Ca ne nous mène à rien.
J’ai froid, mon corps tremble. Sur ma peau, il y a des traces d’absence. De dissension. L’absence de soleil, de vacances douces au creux d’un été pacifique. L’absence de lui auquel je crois de moins en moins. Et pourtant, je ne me sens pas soulager pour autant. Pas vidée, pas légère. Juste déçue. Il n’était peut-être qu’un mec qui me fond dans de longs discours, un mec qui a le contrôle et qui n’a même pas remarqué que mes yeux se perdaient dans son sourire. L’absence d’équilibre. Je suis comme sur une corde tendue dans l’air du temps. Les yeux bandés, l’asphalte à mi-hauteur. Et l’envie de s’en-voler.
Commentaires :
Re:
Merci, merci beaucoup. C'est très agréable de lire ce genre de mots sur les siens. Et d'autant plus appréciable qu'on ne se connait pas comme tu le dis.
J'irai lire un peu de la tienne aussi. De vie.
AboveTheClouds