Rémy a eu 22 ans dimanche. Lui non plus n'a pas pu échapper au temps. On partage encore quelques joints, quelques rires enfuis dans la bouche. Et on hausse le ton parfois. Je sens que c'est la fin. Que dans quinze jours, bye ma banlieue parisienne. Ce studio squatté sans cesse par des jeunes à la recherche de débauche. Je penserai à lui glisser une longue lettre sous sa porte, le serrer fort dans mes bras en souvenirs des premiers mois. J'aurai le ventre serré à cause de ce que sont devenues nos soirées étudiantes. Ou ce qu'elles ont manqué. Des photos, des souvenirs déjà presque rangés et ça fait comme un vide dans les mains.

Philo. je pense que j'aurai choisi ce sujet "Peut-on juger objectivement la valeur d'une culture?". De toute façon je n'ai jamais été à ma place en Scientifique. Alors le soir, en me refaisant les quatre heures à plancher, j'aurai préféré forcément celui des ES "Faut-il préférer le bonheur à la vérité?". Et pire, je me serai dis pourquoi la série L m'a t'elle échappé "Cela a-t-il un sens de vouloir échapper au temps?". Oh, oui ça a un sens. Tellement. J'aurai pu noircir cinq copies d'examen comme à chaque fois. Je pense à Hugues qui revit les mêmes jours qu'il y a un an. Ces putains de longues journées que j’aurai voulu étouffer sous les draps. Ces longues douches après la physique sans calculatrice à pleurer toutes les larmes froides qui scrutaient mon corps fatigué. Ces cheveux mal noués, ces vêtements mal accordés, ces fiches bristols à petits carreaux bleus au pieds du lit, cette convocation sur la table de nuit, et l'oeil qui se ferme sans autorisation. L'indécision devant le choix des sujets et traverser les grilles après quatre heures d'épreuves. La pire semaine de ma vie je crois. Et je pense à lui, à Marine et sa Danse, à Manon, aux autres aussi. J'espère juste qu'ils se réveilleront vivants samedi matin, la tête pas trop enrhumée.

Sauf, que mon épreuve à moi, elle continue. Entre litres d'eau froide, pommes et nouveau justaucorps pour l'occasion. Parce que samedi, c'était sur la pointe des pieds cette fin d'après-midi. Le cours de Classique et la frustration à la barre, le Jazz trop dans les courbes, pas de ce Jazz carré, technique, propre comme celui que j'aime, et le Contemporain apprécié, qui reste encore découverte pour moi. Et après ces quatre heures d'auditions, ces quatre heures de transpiration sur la bonne quarantaine de corps, ces danseurs qui vous marchent sur les pieds, ceux qui se glissent devant vous, ceux qui jettent des ports de bras sur les visages, et il faut faire pareil, mais ; après cette atmosphère si désagréable, et presque malsaine, les noms épelés dans le studio qui semblent si petits pendant les mouvements. Et mon numéro trois qui me porte chance. Alors je reprends le métro à Bastille le coeur assez fière. Parce que l'audition réellement difficile, la sélection indéniable, et moi dans tout ça. Et puis y' a ces soirées auxquelles je ne suis pas allée. Ces litres d'alcool qui n'ont pas coulé dans mon sang. Et ça en valait la peine.

[Beautiful soul, Jesse McCartney]