Elle s'est un peu laissée porter par le Printemps qui arrivait ces derniers jours. Elle a fait des choses qu'elle regrette déjà et qui sembleront anodines dans quelques semaines, mois ou années. Elle a passé des soirées entourées de regards différents et puis elle a fumé un peu trop. Elle a juste aimé avoir le goût à ses lèvres et les doigts qui sentent. Elle s'est couchée très tôt et a dormi très tard trois jours de suite. Elle a bu du champagne jeudi soir pour fêter la journée Comédie musicale. La plus belle journée qu'ils ont vécu depuis le mois d'octobre à l'école. Du moins pour elle. Elle fixe un sourire à ses lèvres aujourd'hui et attend que les caméras soient installées pour. Elle a plein de mots sur le bord de la bouche, des images dans les mains et un teint pâle qui colle au ciel. Elle a suivi des acteurs ce matin qu' elle a épié avec une caméra sur pied et elle n'a pas voulu s'y jeter devant. Elle parle d'elle. Comme si de rien n'était.

Hier, les deux yeux amoureux. On s'est raconté nos week-end : les prises de tête, parce qu'il y en a eu. Y' a eu ces mains qui se sont frôlés aussi. Les baisers volés. Un peu d'alcool. Les soirées imprévus. La Danse. Estelle qui joue l'égoïste infernale. Hier soir les rires incontrôlés à cause des yeux qui se dilatent. On a pris des photos, on a filmé avec l'appareil, on a mangé, on a traîné dans les couloirs de la résidence à la recherche de jeunes en perte de temps. Et puis on a trouvé où se cacher derrière la grosse écharpe. Parce que Rémy. Encore. Et plus je ris à ses côtés, plus je me sens prisonnière d'un non-dit. Parce qu'il paraît que je suis froide, taquine, cassante quand il y a les autres. C'est juste quand elle est là, ses hanches près des tiennes. Et qu'elle ne te regarde même pas. C'est quand je discute avec elle, et que je joue l'hypocrite incontestablement. Même si. C'est quand je souffle en sortant de chez lui d'avoir tenu un sourire bien posé. Mais je n'aurai pas osé te le dire. Quand tu riais dans mes yeux. C'était bien trop facile pour toi.

La fenêtre est entrouverte, et même si je porte encore mes gants, j'espère si fort que le Printemps viennent dans mon ventre qu'il arrivera sûrement un jour ou l'autre. Je suis fatiguée. Et tant mieux. Parce qu'il y a  un an. C'était ce foutu bac, cette peur d'échouer à cause des maths. C'était Antoine et les larmes dans les draps. Aujourd'hui c'est une fatigue de découvrir ma vie un peu plus tous les jours. D'avoir l'impression que les choses se passent différement. Peut-être pas en couleurs mais quand-même. C'est vouloir se laisser porter juste quelques minutes le temps que l'oiseau s'envole, le temps que les mèches blondes tombent sur le visage et le temps d'entendre la voix des parents très loin. Je em sens si loin d'avant. J'ai l'impression d'avoir appris, ou peut-être plutôt de m'être laissé planer. Parce qu'il faut.  Et puis de rentrer tard ce soir. Après qu'on ait capturé des images de nous.