Nous sommes arrivées dans ce petit appart parisien penché. Près de Montmartre, les escaliers vers le Sacré Coeur dans nos jambes. On a mangé une raclette avec la fenêtre ouverte et les verres de Coca. Puis y'a eu ce noir dans les yeux, les hauts qu'on enfile et qu'on défile, le choix de la ceinture aussi parce que c'est important. Les cheveux que Léa m'a un peu ondulé, le parfum, les invitations pour la fête de mon école, la carte imaginai'R dans la poche. Et. Et en sortant on a  ouvert la grille dont on avait l’impression qu’elle allait tomber, et puis on a senti la pluie d'hiver sur nos joues. Alors nos cheveux se sont aplatis, le noir dans les yeux a failli coulé, mes pieds mouillés dans les petites chaussures. Mes pieds nus dans le métro, et je les ai bradés contre mes Converses... On a rejoint Marich à la sortie du métro qui donne tout droit sur le Moulin Rouge éclairé par la nuit. Et puis on a pu passer devant la file parce que. On a traversé le vestiaire, deux ou trois bises parce que ce sont des personnes de mon quotidien. On s'est posé dans les sièges rouges de la boîte avec une vodka orange dans les mains. Et puis l'alcool à couler dans nos sangs, les boissons énergétiques se sont vidées dans nos gorges. On a Dansé comme on voulait et puis je me suis même risquée à enjamber le podium. Y'a encore eu l'alcool open bar et les taffes que je tirais à tord et à travers même si elles essayaient de me dire non. Mais je me suis laissée aller comme une petite conne incontrôlée. Et puis j'ai retrouvé Greg sur la piste, au bar aussi. Le sourire au coin de nos lèvres parce que la soirée. Les coupes de champagne qu'on a doublé à chaque fois.

Et. Yanick. L'acteur du court métrage. Ce genre de garçon qu'on repère le premier mois quand on arrive dans une nouvelle école. Ce genre de garçon qui vous fait penser à. chut... Ce genre de garçon avec qui on retournerait bien un film. Ce genre de garçon. Celui que j'ai pu embrasser le temps d'un tournage, quand son ventre s'est posé sur ma poitrine poudrée, quand ses mains étaient de chaque côté de ma tête, quand il me disait "je suis désolé" et "c'est assez intimidant". Quand il me faisait l'amour devant la vingtaine de personnes qui peuplait le bord du lit. Quand le caméraman se tenait debout sur les draps. Quand la maquilleuse nous a aspergé d'eau mon visage et son dos. Pour faire comme si. Comme s'il me prenait dans la lumière blanche et qu’il n’y avait plus que nous deux. Nos deux corps collés l’un à l’autre à n’en jamais se séparer. Quand je réchauffai mes mains glacées contre son jean, quand ses yeux bleus. Ce genre de garçon qui vous aide à passer une réplique qui n'arrive pas à sortir de la gorge. Celui qui devait me caresser et à que je devais éviter. Celui qui m'a fait un peu oublié que Rémy était le seul. Yanick. Lui qui a lâchement fait pleurer sa copine dans la boîte. Quand ses yeux se fondaient dans ceux d'une brune de première année aussi. Quand sa langue s'est enfoncée dans sa gorge et qu'elles n'y croyaient pas. Alors j'ai eu froid. J'ai posé mon faux sourire sur une banquette avec des premières années et puis Greg. Et puis les fausses déclarations d'amour, pour convaincre. pour être une bonne actrice. Les câlins de Greg dans le cou, ses mains qui ont doucement caresser mon visage, puis mes bras froid. Sa veste contre mon dos. Mes yeux dans le vide. Parce que je n'ai pas pu faire semblant plus longtemps. Et puis sa langue a frôlé la mienne. Doucement. A 6h40, le RER nous a déposé. On a fumé un joint avec Estelle et O. devant un plat de pâtes à la bolognaise. J'ai mis des machines à tourner. Et j'aurai voulu me blottir dedans, peut-être que ça m'aurait retourné l'esprit le tambour. Peut-être que ça m'aurait lavé les idées noires. Et puis dans le métro avec Léa, devant l'immense panneau de la gare de l'Est. Nos yeux qui piquent dans le train. La fatigue qui se laisse aller. Quand même, cette soirée. Jeunesse délavée.

Hier il y eu la chorée remémorée, la dernière répète avant le spectacle, des photos, des justaucorps trempés. Des bouteilles d'eau qui se vident devant le miroir qui décidément nous épie du regard. Ce matin, on s'est étiré avec des courbatures dans les yeux. Et maintenant. Il aura suffit que mes parents travaillent pour cette fête des grand-mères. Il aura suffit que je ne daigne pas faire un sourire. Il aura suffit d'un week-end qui s'est tiré trop vite.

Je n'ai plus de nouvelles, de vos journaux à la con,
Sorti de vos poubelles, le temps semble moins long,
J'ai coupé mes dépenses, et cette fois pour de bon

[...]

Ici il n'y a rien a faire, que le vent dans tes cheveux,
La vie toute entière, repasse sous nos yeux,
C'était un mystere, on n'y a vu qu'du feu.

Je n'ai plus de nouvelles, de ceux qui sont au pays,
Mes amis me manquent, du temps que j'étais en vie,
Je les revoie encore, oui mais bon moi, je n'suis plus en vie.

[En dessin dans le ciel gris de l'hiver : Raphaël, Poste restante. Hôtel de l'univers.]